«Bertin Sow Agba fut un homme d’affaires qui avait du succès. S’il Ă©tait nĂ© et avait vĂ©cu dans un pays normal, il aurait joui de la libertĂ© et du soutien de l’état, dont un citoyen hors-pair comme lui a besoin. Il aurait créé des emplois pour la jeunesse de son pays, et aurait peut-Ăªtre pu concrĂ©tiser ses ambitions politiques; un droit lĂ©gitime pour tout citoyen de tout pays qui se respecte. Mais nous sommes au Togo. Et la mĂ©chancetĂ© des hommes ou le destin en a dĂ©cidĂ© autrement.» (27 avril.com, 22 mai 2023).
C´est un extrait de ce que nous Ă©crivions dans un article le 22 mai 2023 quelques jours après la disparition subite de Bertin Sow Agba. En effet, fuyant l´acharnement de la part des responsables politiques de son pays le Togo, après avoir passĂ© par la case prison dans une fameuse affaire d’escroquerie internationale, le riche homme d´affaires togolais rendit lÂ´Ă¢me le 18 mai 2023 dans son exil sud-africain. Et c´est le dĂ©but de la triste histoire qui trouve aujourd´hui sa suite avec l’arrestation, jeudi dernier Ă LomĂ© de sa veuve, de son fils, de son beau-frère et de deux membres de la famille. C´est notre compatriote journaliste en exil, du journal «L´Alternative», Ferdinand AyitĂ©, qui donne l´information qui rĂ©volte et qui fait froid dans le dos. Pourquoi Madame Sow Bertin Agba, profondĂ©ment chagrinĂ©e depuis la mort de son mari dans les circonstances que tout le monde connaĂ®t, pourquoi son fils, pourquoi son frère et deux autres membres de la famille, revenus au pays pour les cĂ©rĂ©monies de deuil de leur parent, sont arrĂªtĂ©s?
Non content d’avoir poussĂ© Monsieur Bertin Agba Ă l´exil et consĂ©quemment Ă sa mort prĂ©coce, le rĂ©gime togolais ne trouve mieux Ă faire que de causer des ennuis Ă sa famille qui arrive au Togo pour des cĂ©rĂ©monies de deuil comme cela se passe dans presque toutes nos communautĂ©s. A-t-on ainsi peur de Sow Bertin Agba, mĂªme après sa mort, pour s’en prendre lĂ¢chement Ă sa veuve? La haine, pour des raisons que seul Faure GnassingbĂ© connaĂ®t, doit-elle aller au-delĂ de la mort, pour mener la vie dure Ă son fils, Ă son beau-frère et Ă tous les membres de la famille, aujourd´hui embastillĂ©s? Les conditions humiliantes de leur arrestation, aux allures d´un enlèvement, le fait qu´ils fĂ»ssent tout d´abord conduits vers une destination inconnue, le fait que le procureur dĂ©clarĂ¢t nÂ´Ăªtre pas au courant de leur interpellation, cadrent parfaitement avec les caractĂ©ristiques du rĂ©gime de terreur qu´est devenu depuis longtemps le pouvoir togolais, sous Faure GnassingbĂ©.
C´est après d´intenses recherches que les malheureux seront finalement localisĂ©s au SCRIC (Service Central de Recherches et d´Investigation Criminelle). Au Togo, le dĂ©sir de conservation du pouvoir politique et l´allĂ©geance aveugle Ă Faure GnassingĂ© semblent Ăªtre plus forts que le respect de la vie, de la dignitĂ© et de la libertĂ© des Togolais. On envoie enlever la victime du jour, un citoyen, une citoyenne quelconque ou un opposant, pour des raisons que seuls Faure GnassingbĂ© et certains de son entourage connaissent, qu´on conduit d´abord vers une destination inconnue, crĂ©ant ainsi la psychose chez les proches. Puis les spĂ©cialistes des interrogatoires musclĂ©s dans les nombreux centres de dĂ©tention, officiels comme officieux, Ă LomĂ© et Ă l´intĂ©rieur du pays, se mettent au travail pour soutirer de l´infortunĂ©(e) des «aveux» selon la volontĂ© de ceux qui tirent les ficelles depuis le sommet de l’état. Et heureuses sont les familles qui retrouvent leurs parents enlevĂ©s, saints et saufs. Car, il y eut malheureusement dans le passĂ© des cas oĂ¹ le corps sans vie de la victime fut retrouvĂ©e Ă la plage. Qui a oubliĂ© cette matinĂ©e du 15 aoĂ»t 2008 oĂ¹ Monsieur Atsutsè Agbobli fut retrouvĂ© mort Ă la plage, après avoir Ă©tĂ© Ă©nlevĂ© d´une clinique oĂ¹ il suivait des soins, torturĂ© et exĂ©cutĂ© par les agents de l´ANR (Agence Nationale de Renseignements), comme le rĂ©vĂ©lera plus tard le PrĂ©sident du Parti des Travailleurs, Claude AmĂ©ganvi?
Revenant au cas qui nous prĂ©occupe aujourd´hui, c´est-Ă -dire Ă l´arrestation Ă LomĂ© de la veuve du dĂ©funt Bertin Agba et de sa suite, nous constatons que cette manie, propre aux rĂ©gimes de dictature, qui consiste pour le pouvoir politique Ă ignorer les hautes autoritĂ©s judiciaires, pour faire ce qu´il veut, a encore la vie dure au Togo. Les agents en charge du dossier au SCRIC semblent recevoir leurs ordres d´ailleurs et notre pauvre procureur qui ne serait absolument au courant de rien, ne serait apparemment lĂ que pour la forme. Les avocats attendent pendant deux heures de temps avant de s´entendre dire qu´ils ne peuvent pas voir leurs clients dont ils n´ont pas pu, non plus, avoir les motifs de l´arrestation. Madame Agba qui serait d´une santĂ© prĂ©caire, n´aurait pas Ă©tĂ© autorisĂ©e Ă recevoir les mĂ©dicaments et la nourriture apportĂ©s par les avocats. Mais selon les dernières informations Ă notre disposition, obtenues depuis le pays, les choses seraient rentrĂ©es dans l´ordre de ce cĂ´tĂ©-lĂ . Mais les avocats n´auraient toujours pas Ă©tĂ© autorisĂ©s Ă s´entretenir avec madame Agba. Pourquoi un tel traitement de la part des autoritĂ©s togolaises sur une femme qui a perdu son mari il y a un an ? Comment peut-on expliquer un tel acharnement sur elle, sur son fils, sur son frère et sur certains membres de la famille ? Que cherche-t-on Ă camoufler qui ne devrait pas Ăªtre Ă©bruitĂ© si jamais la veuve Bertin Sow Agba et sa famille Ă©taient libres de leurs mouvements, et pouvaient aller et venir comme ils l´entendent?
Monsieur Bertin Sow Agba, avant ses ennuis judiciaires dans cette rocambolesque affaire d´escroquerie internationale qui le conduisirent en prison, Ă©tait un homme d´affaires riche, sinon très riche. C´est pourquoi le dĂ©funt milliardaire, après sa mort, devrait avoir laissĂ© une fortune colossale, dont la famille Ă©plorĂ©e, sa veuve en premier, aurait les pleins droits d´en disposer. Par cette arrestation et par ce refus fait Ă Madame Agba de parler Ă ses avocats, chercherait-on Ă l´empĂªcher d´entreprendre des dĂ©marches pour voir dans quelle mesure, elle, ses enfants et tous les ayants droit pourraient entrer en possession de ce qui leur revient de droit? C´est ce que beaucoup de Togolais au pays et dans la diaspora pensent. Car il serait difficile de trouver un dĂ©lit quelconque qui accablerait la veuve Agba Bertin. Mais c´est connu que quelqu´un «qui veut noyer son chien l´accuse de rage». Et dans un pays comme le Togo oĂ¹ la loi du plus fort est malheureusement devenue la règle au sommet de l´état depuis longtemps, pour que Madame Agba ne puisse pas parler et rĂ©clamer ce qui lui reviendrait de droit, Ă elle et Ă ses enfants, il ne serait pas Ă©tonnant que Faure GnassingbĂ© et son entourage, trouvent un malsain subterfuge pour la jeter en prison, ou la contraindre Ă repartir en exil. Et la question qui se poserait alors est celle-ci: Ă combien s´élevait la fortune de Monsieur Bertin Sow Agba en partant en exil, avant de mourir, il y a un peu plus d´un an? Et qu´est-elle devenue, cette fortune ? Les responsables politiques togolais, en premier Faure GnassingbĂ©, ont-ils quelque chose Ă y voir ?
Sincèrement, après toutes les casseroles que traĂ®nent Faure GnassigbĂ© et son rĂ©gime, dans le domaine de la mauvaise gouvernance faite de massives violations des droits de l´homme, de malversations financières, doublĂ©e d´une totale impunitĂ©, pourrait-il encore se permettre de commettre une Ă©nième injustice, en lĂ©sant une citoyenne, de surcroĂ®t une veuve, chagrinĂ©e par les circonstances de la disparition de son mari, dans ses droits ? Vivement que Madame la veuve de Bertin Sow Agba, son fils, son frère et tous ceux qui sont arrĂªtĂ©s avec eux, retrouvent la libertĂ© dans les meilleurs dĂ©lais, qu´ils aient la libertĂ© d´aller et de venir et de jouir de tous leurs droits de citoyens sans aucune restriction.
Samari Tchadjobo
Allemagne