Samedi soir, la télévision nationale a organisé ce qui est supposé être un débat citoyen. On a plutôt assisté à une opération de promotion.
Déjà, sur le plateau, à l’exception d’un seul, tous les 8 autres invités sont des défenseurs de la nouvelle Constitution. On retrouve ici le même principe que le découpage électoral, où il faut dans une zone 150.000 habitants pour avoir un député et dans une autre à peine 40.000. Le régime se donne toujours une longueur d’avance avant de commencer la course.
Un déséquilibre qui cache mal les véritables objectifs de l’émission. En fait, il s’agit d’une opération pour embellir le changement de Constitution que les Togolais rejettent avec vigueur. La conséquence est que durant une émission de 2 heures, seulement 21 minutes de parole ont été accordées au professeur David Dosseh qui incarnait la position de la majorité du peuple. Et ses interventions ont bien mis en lumière les aberrations de ce changement constitutionnel.
Quand on voit le déroulement de l’émission, on comprend la mise en scène du pouvoir. Les rôles sont distribués et chacun était visiblement chargé de répondre à des questions précises, avec des réponses bien préparées à l’avance.
Alors que ces ministres, députés et juristes professeurs d’université n’ont pas été en mesure d’expliquer pourquoi le régime refuse de publier le texte de la nouvelle Constitution, et pourquoi les Togolais sont privés de débat au sein de la société, ils se sont uniquement évertués à tenter de justifier le bien-fondé d’une telle opération hasardeuse.
Les arguments avancés sont divers et variés.
Ils ont évoqué le besoin de faire des économies en éliminant l’élection présidentielle. Si la préoccupation soulevée était effective, pourquoi créer un Sénat qui est nécessairement budgétivore ? Le coût généré par le fonctionnement du Sénat pendant un mandat de 5 ou 6 ans, ne pourrait-il pas couvrir l’organisation d’une élection présidentielle ? Pourquoi ne pas rajouter l’élection présidentielle aux régionales et législatives déjà cumulées ? Et bien sûr, pourquoi ne pas faire de la lutte contre la corruption, pourtant constitutionnalisée, un axe majeur de la gouvernance économique ? Supprimer une élection aussi importante sous prétexte de faire des économies est juste un non-sens politique.
Il a également été souligné que l’élection présidentielle est crisogène. La question est donc de savoir si c’est la nature semi-présidentielle du régime qui est la cause de ces crises. Comme si le régime parlementaire ferait disparaitre par enchantement les causes des crises postélectorales. En réalité, ce sont les conditions d’organisation des élections, avec des institutions inféodées, des fraudes massives, les intimidations, les achats de conscience et un fichier électoral vicié qui sont les principales causes de crises électorales. Si rien ne change, elles demeureront malgré le régime parlementaire. Au lieu de régler les problèmes de transparence des élections, on noie le poisson pour faire du dilatoire.
Sur la légitimité des députés qui ont voté la nouvelle Constitution, après la fin de leur mandat, l’argument avancé par le pouvoir est que ces députés ne sont pas en intérim. Alors que l’article 144 alinéa 5 de l’actuelle Constitution stipule ceci : « Aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie en période d’intérim ou de vacance ou lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire. » Si l’exercice de la fonction durant une période prorogation, et donc en dehors du mandat, n’est pas un intérim, quelles sont alors les situations que la Constitution qualifie d’intérim ?
De tous les intervenants, en dehors de la notion de régime parlementaire sur laquelle ils ont insisté, aucun n’a abordé le contenu réel de cette Constitution. Au final, alors que la Constitution était déjà voté, puis renvoyée par le chef de l’Etat pour une relecture, les Togolais sont toujours tenus à l’écart de son contenu.
A l’évidence, cette Constitution n’est pas faite pour les Togolais. Ses défenseurs ont beau hurler que c’est pour la paix, pour faire des économies, pour se conformer à l’évolution de la société et pour le bien des Togolais, tout concourt à montrer qu’elle est plutôt élaborée contre les Togolais à qui on refuse le droit à l’information et le droit de s’exprimer sur le texte fondamental.
Avant même sa promulgation, c’est cette nouvelle Constitution qui est déjà crisogène. Il est temps que le pouvoir comprenne qu’on ne peut pas imposer à un peuple, une Constitution à laquelle il n’a pas été associé. Il faut retirer cette loi.
Gamesu
Nathaniel Olympio
Président de Kékéli
Cercle d’Etudes Stratégiques
sur l’Afrique de l’Ouest