Renforcer la préparation aux urgences de santé publique à travers une meilleure surveillance épidémiologique, des systèmes de laboratoires améliorés et le développement des ressources humaines en santé, c’est le but visé par le projet du Fonds de lutte contre les pandémies qui est mis en œuvre au Togo. Dans cet article, le Dr Amadou Baïlo Diallo, représentant par intérim de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) au Togo, revient sur cette initiative, soutenue par l’OMS, sous la direction du gouvernement et en partenariat avec la FAO et l’UNICEF, l’OIM et la Croix Rouge togolaise.
Le Dr Diallo souligne l’exploit du Togo, qui fait partie des cinq pays africains sélectionnés parmi 179 candidatures mondiales pour bénéficier de ce fonds. Il met en avant l’importance de la collaboration multisectorielle, notamment grâce à l’approche « Une seule santé », pour répondre efficacement aux risques épidémiques et aux urgences de santé publique. En perspective, le Dr Diallo énonce les priorités et les enseignements tirés pour renforcer les capacités nationales de réponse aux crises sanitaires au Togo sur les trois prochaines années.
Pouvez-vous nous parler du projet Fonds de lutte contre les pandémies (Pandemic Fund) au Togo ?
J’ai une bonne connaissance de l’initiative du Fonds de lutte contre les pandémies pour avoir coordonné au niveau du Bureau régional de l’OMS pour l’Afrique notamment au Hub de Dakar (Sénégal) l’élaboration des demandes de financement pour les pays de l’Afrique de l’Ouest et du Centre à soumettre au Fonds pandémique pour les rounds 1 et 2 respectivement en 2023 et 2024.
Le projet de renforcement de la préparation et la réponse aux urgences sanitaires au Togo, financé par le Fonds pandémique est une innovation dans la mobilisation des ressources financières pour soutenir les pays à revenu intermédiaire dont le Togo dans la lutte contre les maladies à potentiel épidémique.
Au Togo comme dans les autres pays soutenus par le Fonds pandémique, trois domaines d’intervention sont prioritaires. Il s’agit de la surveillance épidémiologique et l’alerte précoce, des ressources humaines et le système de laboratoire.
Le Togo fait partie des cinq (05) pays africains dont la proposition a été retenue sur les 179 demandes soumises au Conseil de direction du Fonds. La mise en œuvre de ce projet au Togo est une concrétisation de l’opérationnalisation de la plateforme nationale « Une seule santé », « One Health » en anglais, plateforme multisectorielle dans laquelle travaillent ensemble les Ministère de la santé, de l’agriculture et de l’élevage, de l’environnement pour renforcer les capacités de préparation et de réponse du pays face aux urgences de santé publique.
Les partenaires de ce projet au Togo sont le gouvernement togolais, représenté par les Ministères respectivement en charge de la santé, de l’agriculture et de l’élevage, et de l’environnement, l’OMS, la FAO et l’UNICEF.
Le projet de lutte contre les pandémies au Togo vise trois objectifs. Il s’agit de renforcer le système de détection, d’alerte précoce et de riposte contre les épidémies et pandémies. A cela s’ajoute l’amélioration de la fonctionnalité et de la qualité du réseau national de laboratoires pour le diagnostic des maladies à potentiel épidémique. Et enfin, le pays est appelé à renforcer les capacités en ressources humaines en santé humaine, animale et environnementale pour la préparation aux urgences.
La mise en œuvre du projet est entamée depuis le mois d’octobre 2023 à travers l’allocation des ressources aux partenaires, la mise en place d’une équipe de coordination technique du projet qui réunit les experts des trois Ministères clés et les agences d’exécution, l’élaboration d’un plan de suivi et évaluation, l’élaboration et la mise en œuvre des plans d’action trimestriels. Le premier rapport technique annuel a été élaboré et soumis au Fonds pandémique au mois de juin 2024 avec un taux d’exécution financière de 33 %.
Pour les trois prochaines années, quelles améliorations voudriez-vous voir dans la prévention des pandémies, leurs préparations et la capacité de réponse nationale au Togo ?
D’une manière générale, je suis persuadé qu’aux termes de ce projet au Togo, avec les efforts combinés en cours aussi bien au niveau des acteurs nationaux que des partenaires, les capacités essentielles du Règlement sanitaire international (RSI 2005) seraient renforcées dans les domaines de la prévention, la détection et la réponse face aux urgences de santé publique.
De manière spécifique pour les trois prochaines années, nous espérons que les résultats probants seront obtenus à savoir : le renforcement des capacités de détection des épidémies à travers les activités de surveillance épidémiologique et d’alerte précoce et le renforcement des capacités du personnel de santé humaine, animale et environnementale pour une meilleure préparation et réponse aux urgences de santé publique. Autres résultats : le renforcement du système national de laboratoire pour une confirmation rapide des épidémies ainsi que le développement de l’approche multisectorielle pour la préparation et la réponse, sans oublier la réduction de la morbidité et la mortalité liées aux maladies à potentiel épidémique au Togo.
Quels sont les éléments nécessaires à la réussite d’un projet du Fonds pandémique au Togo ?
Les facteurs de succès du projet de Fonds pandémique au Togo sont de trois niveaux. D’abord, c’est la volonté politique manifeste du gouvernement togolais à développer et mettre en œuvre une politique nationale de santé soutenue par l’élaboration et la mise en œuvre d’un Plan national de développement sanitaire (PNDS) lequel intègre la mobilisation des ressources additionnelles auprès des partenaires pour les programmes prioritaires dont la préparation et la réponse aux urgences de santé publique.
Ensuite, vient l’adhésion du gouvernement togolais aux initiatives mondiales en faveur de la santé publique mondiale et le développement tels que le Règlement sanitaire international (RSI 2005), l’initiative « Une seule santé » ou « One Health », les objectifs de développement durable (ODD).
Et enfin, nous saluons la disponibilité des partenaires techniques et financiers (PTF) à harmoniser leurs efforts pour travailler ensemble tout en s’alignant aux priorités du gouvernement togolais pour une meilleure efficacité de l’aide au développement. Dans le cas de ce projet, un partenariat fort est en train d’être concrétisé entre l’OMS, l’UNICEF et la FAO qui sont les agences d’exécution. L’OIM et la Croix rouge togolaise en sont des contractants avec l’OMS dans l’exécution des volets spécifiques du projet entrant dans leurs domaines de compétence.
Quel rôle joue l’augmentation des investissements dans le renforcement des capacités nationales en prévention des pandémies, leur préparation et la capacité de réponse au Togo ?
L’obtention de ce financement du Fonds pandémique est un véritable succès pour le gouvernement togolais et de ses partenaires mais aussi une opportunité de renforcement des capacités nationales de préparation et de réponse aux urgences d’une part, une source additionnelle de ressources pour le renforcement du système national de santé du Togo d’autre part.
Quels sont les enseignements tirés des épidémies passées au Togo qui pourraient être appliqués dans la mise en œuvre du projet du Fonds de lutte contre la pandémie au Togo (en particulier dans les domaines de la surveillance, des laboratoire et du personnel de santé) ?
Ils sont nombreux. On peut citer la mise en œuvre de la stratégie régionale de surveillance intégrée de la maladie et la riposte (SIMR), les plans de contingence de lutte contre les maladies à potentiel épidémique telles que la méningite, la fièvre jaune, la fièvre de la Lassa, la rougeole, le choléra et la pandémie de la Covid-19 ainsi que les leçons tirées par la documentation de la gestion de ces urgences à travers les revues- après actions (RAA).
Nous pouvons également citer le renforcement régulier des capacités essentielles du (RSI 2005) et l’utilisation des résultats des différentes évaluations des risques y compris l’évaluation externe conjointe du RSI 2005 qui pourraient être bénéfiques aux trois domaines prioritaires du Fonds pandémique que sont la surveillance, le système de laboratoires et le personnel de santé.
Votre mot de fin ?
Je voudrais lancer un appel aux acteurs et aux partenaires du système de santé togolais de poursuivre leurs efforts communs pour le renforcement des capacités nationales de préparation et de réponse aux urgences de santé publique. Nous devons davantage travailler ensemble sur la préparation aux urgences car par expérience, je peux rassurer qu’une préparation aussi petite qu’elle soit est bénéfique pour une réponse efficace face à une urgence.
En somme, le Fonds pandémique est une initiative de financement de la préparation aux épidémies/pandémies mis à la disposition des pays à revenu faible et intermédiaire dont la mise en œuvre contribuerait au renforcement des capacités essentielles du (RSI 2005). Le Togo et les partenaires techniques et financiers en santé ne ménageront aucun effort pour permettre au premier round de ce projet d’atteindre ses résultats tout en espérant que le deuxième sera obtenu aussitôt afin de soutenir les efforts du pays dans la gestion efficace de l’impact de la crise du Sahel central dans le développement socio-sanitaire de la région des Savanes. L’obtention des financements dans le cadre du 2è cycle de financement du Fonds pandémique (Pandemic Fund) permettrait également la prise en compte des déterminants environnementaux des épidémies et la lutte contre les changements climatiques.
Source: afro.who.int