Togo- Discours de Faure Gnassingbé au FOCAC 2024: Les bonnes intentions qui cachent l’appétit glouton du pouvoir

Le 05 septembre 2024 à Pekin en Chine s’est tenue, dans le cadre du neuvième sommet du Forum économique sino-africaine (FOCAC2024), une conférence internationale consacrée à la bonne gouvernance. Invité à s’exprimer sur le sujet, le Chef de l’Etat togolais  Faure Gnassingbé a décrit sa vision pour instaurer la bonne gouvernance.

A l’analyse, les principes déclinés par le Président togolais ne sont qu’une panoplie de bonnes intentions vendues aux Togolais depuis près de deux décennies.

Alliée devenue incontournable des pays africains, la Chine imprime sur le continent ses idéaux. Le pays de Xi Jinping sous couvert de la coopération économique, dans sa rivalité avec les Occidentaux, déploie son système de gouvernance caractérisé par la suprématie et l’autoritarisme du parti unique. En effet, si les Occidentaux mettent en avant certaines conditionnalités, à l’instar de la bonne gouvernance, la transparence, le libéralisme économique, les Chinois eux, font fi de toutes ces considérations. Mais face  au niveau de corruption très élevé sur le continent, la Chine semble vouloir  intégrer quelques gages de bonne gouvernance à sa politique.

C’est dans ce contexte qu’une rencontre de haut niveau sur la bonne gouvernance a été organisée en marge du Foca. L’occasion a été donnée à de nombreux dirigeants africains pour s’exprimer sur le sujet. C’est le cas du Togolais Faure Gnassingbé, au pouvoir depuis 2005, et qui a promulgué le 6 mai 2024 une nouvelle constitution taillée sur mesure pour réaliser son rêve (c’est un secret de polichinelle) d’un règne ad vitam æternam.

Faure se dévoile en Chine

Muré dans un silence assourdissant depuis la réforme constitutionnelle, lui balisant la voie pour un pouvoir à vie, c’est en Chine que Faure Gnassingbé a décidé de s’exprimer sur le sujet. Un autre signe du mépris à l’égard des Togolais  préoccupés par ce changement brusque.
Pour le Président togolais, considéré par les tenants du pouvoir comme un leader éclairé, l’ambition stratégique du Togo est d’être « un État fort, visionnaire et protecteur ». De fait, la « bonne gouvernance des institutions publiques contribue à inspirer confiance et légitimité à la population, et constitue le fondement de la stabilité politique et de la cohésion sociale », a-t-il déclaré, expliquant que « la recherche de la bonne gouvernance va au-delà des institutions. Elle passe par la recherche de la modernité aussi bien dans les technologies que dans les esprits. Ainsi, au Togo, nous avons digitalisé de nombreux services publics, ce qui a significativement augmenté leur efficacité et réduit les délais administratifs ».
Ainsi, à écouter Faure Gnassingbé la réforme constitutionnelle contestée opérée par des députés en fin de mandat ne vise que le développement du pays. « La réforme institutionnelle majeure qui est en cours au Togo transforme notre régime présidentiel en régime parlementaire. Celle-ci vise à mieux équilibrer les pouvoirs exécutif et législatif. Il en va de même pour la création d’un Sénat. Nous garantissons ainsi que nos institutions politiques soient inclusives et représentatives. Nous renforçons aussi la démocratie, la transparence électorale et la redevabilité des gouvernants vis à-vis de leurs populations », a-t-il explicité.

Les bonnes intentions qui cachent l’appétit glouton du pouvoir

Depuis son arrivée au pouvoir en 2005, toute la politique de Faure Gnassingbé est un renouvellement perpétuel de résolutions, de bonnes intentions.
Malheureusement, ces bonnes intentions trahissent sa volonté à peine voilée de prolonger sa longévité à la tête du pays.

Après pratiquement deux décennies au pouvoir, le Président togolais continue de faire tourner le même disque rayé. En effet, les bonnes intentions affichées par Faure Gnassingbé n’ont jamais été suivies d’actes tangibles. Par conséquent, ces bonnes intentions sur la réforme constitutionnelle ne sont en réalité que de viles incantations  visant à endormir les populations, lui permettant de continuer à gouverner sur la base d’un  nouvel ordre à la sauce Gnassingbé.

Contrairement à ce que les tenants du pouvoir veulent faire croire, le vrai problème du Togo depuis le père jusqu’au fils réside dans la mauvaise gouvernance institutionnalisée à la tête du pays. En effet, le régime togolais a pour le socle la pensée unique teintée de favoritisme décliné par « un leader fort ». Même si l’élite dirigeante tente de le maquiller, leur objectif suprême reste la normalisation d’un parti unique à la tête du Togo. Sinon, comment comprendre qu’une telle démarche n’a été entreprise qu’après 19 ans d’exercice du pouvoir et l’instauration de la limitation du mandat présentiel.

Concentré sur la panacée pour garder à vie le pouvoir, Faure Gnassingbé depuis son avènement au pouvoir s’est très peu occupé des entraves à la bonne gouvernance. La supposée lutte contre la corruption en est une illustration parfaite. En effet, au Togo, la corruption s’est amplifiée ces dernières années. Ce phénomène, obstacle au développement, impliquant aussi bien des citoyens que les dirigeants, mine la vie sociale, économique et politique du pays.

Au niveau de la classe dirigeante, la situation est plus que dramatique, car c’est la course à l’enrichissement et  aux détournements des deniers publics. Cette classe se croit au-dessus des lois et surtout parce que l’appareil judiciaire leur est intrinsèquement lié.

En effet, dans la longue litanie des services publics en crise, la justice n’est pas la moins atteinte. Depuis des années, elle souffre de maux chroniques qui ont fini par entamer son crédit auprès des justiciables. Aujourd’hui, cette institution, devenue un outil à la solde du pouvoir exécutif, est plongée dans une crise existentielle profonde qui, par ricochet, fragilise la bonne gouvernance.

Le régime de Faure Gnassingbé rechigne à engager ou à mettre en œuvre les réformes courageuses en vue de permettre à la justice togolaise d’assurer efficacement son rôle constitutionnel de consolidation de l’Etat de droit, de la démocratie et, partant, de la bonne gouvernance. Les quelques petites réformes entamées sous la contrainte des partenaires financiers n’ont abouti à aucun résultat tangible faute à une réelle volonté politique.

Une bonne gouvernance sans des systèmes gouvernementaux compétents, efficaces et transparents n’est qu’illusion.

Dans tous les cas, le régime togolais, incapable de répondre aux besoins des populations, s’est spécialisé depuis des années dans la vente d’illusions.

Source: Le Correcteur/Titre original- Bonne gouvernance et Vème République: Le chef de l’État se dévoile

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