Togo- Crise socio-politique: La DMP au Commonwealth

Mémorandum de la Dynamique pour la Majorité du Peuple (DMP) sur la situation socio politique du Togo À l’attention de la délégation du Commonwealth en visite au Togo  

La crise socio-politique que vivent les Togolais depuis l’assassinat du premier Président élu Sylvanus Olympio en 1963 et le début de la gouvernance du Clan Gnassingbé en 1967, vient d’être amplifiée par le coup d’État constitutionnel que le régime RPT Unir a opéré le 6 mai 2024, avec à la clé, le changement anticonstitutionnel du régime politique intervenu dans des conditions inadmissibles pour les Togolais.
Ainsi donc, après le Père Gnassingbé Eyadema qui a fait 38 ans à la tête du pays, c’est le fils Gnassingbé Essozimna Faure qui est entrain de boucler ses 20 ans de gouvernance, totalisant 58 ans de pouvoir pour la seule famille, alors que notre pays est une République dotée d’une constitution.

I. Les principales Caractéristiques des 58 ans de gouvernance de la famille Gnassingbé

A) Sur le Plan de la gouvernance politique.

Il n’est pas exagéré de dire que du père au fils, le Togo est une dictature sanglante marquée par plusieurs assassinats politiques. Le fils s’est installé en 2005 d’ailleurs en assassinant plusieurs centaines de Togolais, plus de 800, selon les données des Nations-Unies.

Plus d’une centaine de détenus politiques croupissent en prison depuis plusieurs années pour certains qui ont été arrêtés suite aux dernières manifestations des années 2017-2018. Des journalistes, responsables et membres de partis politiques, simples citoyens font l’objet d’arrestations arbitraires. Beaucoup sont sous contrôle judiciaire depuis plusieurs années pour maintenir l’épée de Damoclès sur leur tête pendant que d’autres ont dû s’exiler pour avoir la vie sauve. Ces deux dernières années, 3 réfugiés sont morts en exil parmi lesquels un vieux Prélat de 93 ans, Monseigneur Philippe Fanoko Kpodzro et Agbéyomé Kodjo dont
le seul crime a été de réclamer sa victoire à l’élection présidentielle de 2020.

Les libertés individuelles et publiques, notamment la liberté de manifester, les libertés syndicales, le droit de grève sont confisquées. Le Togo vient d’être condamné par la Cour de justice de la CEDEAO pour avoir licencié 116 enseignants et responsables syndicaux pour avoir exercé leur droit de grève. D’autres décisions de la Cour ont ordonné la libération des détenus, mais le régime qui n’a que du mépris pour cette institution communautaire, refuse de les appliquer.

Des élections sont organisées mais toujours fraudées par le régime pour se maintenir à la tête du pays. Ce faisant, et surtout après les dernières élections législatives du 29 avril 2024, où à travers des bourrages d’urne, des violences sur les représentants des partis d’oppositions, le gonflement des voix du parti UNIR au pouvoir, le régime a vidé les élections de leur sens et a poussé le peuple à s’en désintéresser. L’Assemblée nationale est aujourd’hui monocolore suite aux manœuvres du régime. La DMP s’est vue
octroyer un siège qu’elle a décidé d’occuper pour continuer le combat pour la démocratie et contre le coup de force institutionnel. C’est conformément à cette ligne politique que la députée DMP, Kafui Adjamagbo-Johnson a, au cours de la session de droit, voté contre le règlement intérieur de l’Assemblée.

Deux raisons expliquent ce vote : d’abord les élections législatives ont été organisées et les députés élus sous la constitution de 1992 qui figure dans le visa de la décision de la Cour Constitutionnelle portant résultats définitifs des élections législatives, ensuite, la constitution promulguée le 6 mai 2024, n’ayant pas été adoptée selon les dispositions constitutionnelles prévues, est rejetée par les Togolais véritables détenteurs de la souveraineté nationale.

Les institutions de l’Etat sont toutes systématiquement verrouillées et aucune ne peut librement assumer les responsabilités de régulation de la vie publique dans une république démocratique. On note une confiscation du pouvoir d’Etat par une minorité d’oligarques qui instrumentalise l’armée pour sa seule protection et en complicité avec des puissances occidentales colonialistes. Une trentaine de dialogues entre acteurs de la classe politique n’a pas permis de juguler la crise politique permanente au Togo par manque de volonté politique du pouvoir en place, qui a toujours été réticent à appliquer les conclusions de ces dialogues.

B) Sur le plan économique.

La corruption généralisée dans tous les secteurs de l’économie, et l’impunité de ces crimes économiques permettent au pouvoir de fidéliser ceux qui l’aident à se maintenir. Le manque criard d’infrastructures et d’équipements sociaux de base démontre que les Togolais sont loin d’être au cœur de la gouvernance du régime contrairement à ce qui est proclamé dans les discours officiels. Plusieurs secteurs vitaux de l’économie y compris les banques sont bradées et se retrouvent entre les mains des investisseurs étrangers, au détriment des intérêts des Togolais.

C) Sur le plan Social

Les résultantes de la gouvernance économique déficiente du régime sont la pauvreté et la misère pour plus de 70% et le niveau de vie très bas de la population, le niveau de chômage très élevé de la jeunesse et la quasi inexistence d’une classe moyenne. La majorité des Togolais n’a pas aujourd’hui un accès suffisant et de qualité aux services sociaux de base en matière de santé et eau. Les populations éprouvent d’énormes difficultés à se soigner. L’assurance maladie universelle promue par le régime n’a pas la capacité de répondre à ce besoin parce que mal conçue et souffrant d’un manque d’investissement financier conséquent du gouvernement. Les infrastructures et équipements éducatifs sont insuffisants et de mauvaise qualité. Le système éducatif lui-même ne répond pas aux besoins actuels du marché de l’emploi.

D) Un coup d’Etat constitutionnel qui vient compliquer une situation politique, sociale et économique déjà inquiétante.

Le changement de constitution opéré par le régime le 6 mai 2024 est rejeté par la classe politique de l’opposition, la société civile et les populations togolaises dans leur immense majorité. Il vient compliquer la situation politique du Togo. En effet, la constitution en vigueur jusqu’au 6 mai 2024, comme toutes les autres constitutions depuis la première République, a été adoptée par voie référendaire en 1992 par 98% de Togolais. Dans cette constitution plusieurs fois révisée par le pouvoir en place, il est bien inscrit que la modification des dispositions concernant le changement de régime ou du nombre de mandat du président de la République ne pourrait être possible que par voie référendaire. Le changement opéré le 6 mai 2024 par une procédure non conforme et non légale est donc considéré par le peuple et l’ensemble des acteurs politiques et de la société civile comme un coup de force contre la République.

Quelles que soient les raisons que les tenants du pouvoir pourraient avancer, ce changement de constitution ne vise qu’un seul but à savoir : faire éviter à Mr Faure Gnassingbé, l’obligation du respect de la limitation du mandat à 2 fois 5 ans qu’une assemblée monocolore UNIR et alliés à contre cœur a fini par introduire dans la constitution en 2019 sous la pression populaire. Il est donc clair que le changement de constitution opéré par le régime est un coup d’État au profit de Faure Gnassingbé qui veut régner à vie à la tête du Togo. Malheureusement, le Togo est une République et non une monarchie.

II. Que préconise la DMP comme solution aux problèmes togolais ?

Au regard de la gouvernance politique, économique et sociale qui est aux antipodes des valeurs promues par le Commonwealth, la DMP et les Togolaises se demandent comment et sur quelle base le Togo a pu être accepté comme membre de l’organisation ?
En tout état de cause, il est urgent de régler les problèmes politiques togolais pour créer les conditions favorables à une gouvernance susceptible de générer le développement social et économique et le bien-être dont les Togolais ont grandement besoin.

Devant l’indignation, la révolte et le levé de boucliers provoqués par le changement illégal de constitution et de régime politique, face à la situation de confusion dans laquelle le changement de constitution a plongé les institutions et la vie politique, et pour mettre fin aux frustrations et à la défiance généralisée des Togolais résultant de la gouvernance du régime UNIR, la DMP envisage deux voies de sorties.

1) L’adoption à très court terme d’une loi d’amnistie traduisant une volonté d’apaisement par la libération des détenus et le retour des réfugiés politiques, et d’une loi restaurant la liberté de manifester, le droit de grève et la liberté de presse, qui sont des libertés fondamentales dans toute démocratie ;
2) Le régime doit reconnaître son erreur politique commise en procédant à ce changement inapproprié et appeler toute la classe politique et la société civile à des discussions pour engager le pays dans une transition politique qui travaille à créer un nouveau contrat social et à doter le Togo d’une constitution et d’institutions consensuelles dans le respect de la souveraineté du peuple.

Fait à Lomé, le 17.07.2024
La Conférence des Présidents         

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