Le Pape François vient de nommer, ce lundi, Mgr Ruiz Mainardi, en remplacement du britannique Gerard Miles, comme nonce apostolique au Bénin et au Togo. Qu’est-ce qu’un nonce apostolique ? Quelles sont ses missions précises ? Quels rôles jouera Mgr Mainardi au Togo et au Bénin ? Quelles sont les prochaines étapes de sa prise de fonction? Que change sa nomination dans le contexte togolais ? Nous répondons à vos préoccupations en cinq questions-réponses.
Depuis septembre et la rentrée diplomatique, le Vatican a adressé au Togo une demande d’agrément en vue de remplacer Mgr Gerard Miles, précédemment nonce apostolique au Togo et entre temps affecté en Amérique latine. Comme d’habitude en pareilles circonstances, l’Etat togolais a donné un avis favorable et depuis ce jour, le pape a nommé un nouvel ambassadeur du plus petit état du monde au Togo. On ne le sait jamais assez, mais le Vatican est un pays à part entière, avec un territoire (les 44 hectares du Vatican, Castel Gandolfo maison de repos des papes, la Basilique St Pierre ainsi que quatre Basiliques majeures à Rome ou encore les universités grégoriennes). Il dispose de son drapeau, blanc-jaune, son gouvernement, la Curie romaine, sa monnaie, l’euro avec l’effigie du pape, ses armoiries, de sa population (environ 900 fonctionnaires et autres résidents), de son armée (la garde-suisse et la gendarmerie pontificale), de sa banque (l’Institut des œuvres de religion, Ior), et même de ses ambassadeurs dont Mgr Ruiz nouvellement nommé au Togo avec résidence au Bénin.
Mais qu’est-ce qu’un Nonce apostolique ?
Il est ambassadeur autant qu’Augustin Favereau de la France au Togo où celui de l’Allemagne ou encore des Etats-Unis. Il est donc un diplomate à part entière et souvent, doyen du corps diplomatique dans son pays d’accréditation. Dans certains pays comme en Palestine par exemple, il est à la fois ambassadeur et consul (puisqu’il délivre des visas). A la différence des autres ambassadeurs, il représente deux entités, le pape en tant que chef suprême de l’Eglise auprès des diocèses du Togo et le Saint Siège, en tant qu’Etat auprès du gouvernement togolais. Il est toujours un homme puisqu’il doit être prêtre ou évêque et il a une double nationalité, celle d’origine et celle du Vatican qui est une citoyenneté temporaire, liée à une fonction. Il arrivera donc à Lomé et à Cotonou, avec le fameux passeport noir.
Quelles sont ses missions précises ?
D’abord, c’est exclusivement le Vatican et la nonciature qui annoncent, simultanément, sa nomination. Le Bénin et le Togo ne doivent pas le faire avant. En Côte d’Ivoire, une annonce anticipée du gouvernement avait créé un bref incident diplomatique. Ses missions, représenter le Saint Siège auprès de Cotonou et de Lomé, comme ambassadeur et le pape auprès des évêques. Il cautionne les demandes de visas de prêtres et évêques auprès des consulats, propose des personnes susceptibles d’être évêques pour qu’elles ne soient nommées par le pape, gère les problèmes entres évêques et parfois entre prêtres et évêques. Il bénéficie de l’immunité diplomatique.
Quels rôles Mgr Mainardi jouera au Togo et au Bénin ?
D’abord c’est un prêtre. Il dira donc la messe. Puis dès sa nomination, il est évêque. Et gradé archevêque afin de n’avoir aucune posture d’infériorité canonique face aux évêques des pays concernés. Chaque année, il tient et actualise une liste de prêtres qui deviendront évêques, les “épiscopables”. Il procèdera au remplacement de Mgr Barrigah à la tête de l’archidiocèse de Lomé. Il préparera un voyage éventuel du pape François au Bénin ou au Togo (aucun des deux pays n’est à l’ordre du jour actuellement). Par son intermédiaire, chaque évêque ayant atteint la limite d’âge de 75 ans doit adresser une démission au pape, Mgr Alowonou du diocèse de Kpalimé (ouest Togo) l’a fait en mars dernier. Et attend d’être remplacé. Le nonce portera les messages du Vatican aux présidents Patrice Talon et Faure Gnassingbé. Chaque semaine, il remonte des notes pour informer le pape sur le pays avec parfois d’étonnants détails sans vraiment un espion, enfin, espion du Christ. Et pour ce, il peut compter sur des prêtres et évêques qui sont même dans les coins reculés du pays. Sa mission dure en moyenne trois ans. Mais parfois quatre à cinq ans en moyenne.
Quelles sont les prochaines étapes de sa prise de fonction ?
Il se rendra rapidement au Bénin d’abord puis au Togo ensuite. Il ne doit absolument pas présenter ses lettres de créances (en latin), au Togo avant le Bénin qui est son pays de résidence. L’image, du trop célèbre nonce apostolique au Togo et au Bénin, Mgr André Dupuy, assis devant Gnassingbé Eyadema qui faisait semblant de lire les fameuses lettres de créance avait fait sourire, en 1993, ceux qui savent qu’elles étaient strictement en latin et surtout, que l’ex dictateur togolais n’en connaissait pas un mot. Après la présentation des lettres de créances, il s’installera (au bord de la mer derrière l’aéroport de Cotonou pour le Bénin et au Grand Séminaire St Jean Paul II de Lomé pour le Togo), rencontrera les évêques et entamera une tournée nationale, pas avant d’avoir dit, dans chaque pays, une messe de prise de service.
Que change sa nomination dans le contexte togolais ?
Rien de spécial si ce n’est de calmer un peu les tensions entre l’Eglise et l’état. Longtemps, des zones d’ombre ont influé sur la relation entre ces deux entités. Notamment quand les évêques prennent position sur des sujets politiques ou encore, quand le Togo refuse à l’Eglise l’observation d’élections. L’implication active de Mgr Kpodzro dans la présidentielle de 2020 a aussi bien dérangé le pouvoir togolais. En nommant un prêtre qui n’avait jamais été nonce qui est plutôt assez discret et mesuré, François veut peut-être calmer le jeu. Pour ce pape venu de l’Amérique latine et très politique, aucun acte n’est anodin.
Max-Savi Carmel