Quand ils se trompent d’adversaires, de stratégies et de narratifs de combat

Par Rodrigue Ahego

Sur les chemins périlleux du très désiré changement et alternance, un des phénomènes contre-productifs qui infestent, affectent et minent dangereusement l’effort collectif, c’est la tendance de certains acteurs à s’ériger en propriétaires exclusifs du combat, à attaquer systématiquement ceux qui s’engagent sans leur bénédiction, et à saboter toute initiative qui ne vient pas d’eux. Cette attitude, destructrice et toxique se manifeste à travers des pratiques précises, concrètes et observables à tous les angles de vue.

Il s’agit dans un premier temps, de l’erreur d’adversaire en transformant le militant en la cible à abattre à tout prix. Au lieu de diriger leur énergie contre le régime RPT/UNIR, ces acteurs préfèrent attaquer d’autres militants. Ils mènent des campagnes de diffamation sur les réseaux sociaux. Des militants ou leaders d’Organisation de la Société Civile (OSC) sont taxés de « vendus », « corrompus », ou « agents infiltrés », sans la moindre preuve. Des figures actives dans la sensibilisation citoyenne ou l’organisation de manifestations pacifiques sont publiquement accusées de collusion avec le pouvoir, simplement parce qu’elles ne s’alignent pas sur certaines lignes partisanes et intéressées.

On constate également le sabotage des actions collectives. Des campagnes de terrain portées par des coalitions ou des groupes de travail sont discréditées par d’autres citoyens qui se disent combattants. Des vidéos, des audios ou des publications anonymes sont concoctés et publiés dans les groupes WhatsApp, souvent alimentées par les milieux du pouvoir. Mais attentions, ce développement ne prend nullement en compte les publications qu’elles soient faites par des anonymes ou non, qui dénoncent des pratiques nauséabondes et malsaines, notamment des buts marqués contre son camp ; des votes au profit du régime ; des combines dans des antichambres pour arranger l’adversaire et nuire au partenaire de lutte. On en a connu lors des élections des Maires dans certaines communes de la Préfecture du Golfe. Et ces manigances malsaines sont passées sous silence parce que leurs auteurs sont dans le système des chasseurs d’intérêts personnels qui polluent l’environnement des combattants pour la liberté.

L’autre erreur stratégique constatée dans la dynamique de démolir plutôt que construire, c’est celle qui amènent des acteurs à confondre critique constructive et destruction méthodique de toute initiative. C’est notamment lorsqu’une coalition citoyenne organise un forum ou une conférence sur la transition démocratique, que des contre-conférences soient organisées aux mêmes dates, avec pour seul objectif de diviser l’audience.

Il y a aussi le dénigrement des défenseurs de la bonne gouvernance sous prétexte qu’ils ne parlent pas au nom d’une « vraie opposition » ou d’un mouvement « légitime ». Des leaders s’opposent à des actions coordonnées sur les réseaux sociaux contre les violences d’État, la torture, la corruption, les détournements de deniers publics… simplement parce qu’ils n’en étaient pas les initiateurs.

On note une erreur de narration avec surtout une guerre d’égo déguisée en lutte. La narration du combat est frontalement confisquée par ceux qui se présentent comme les seuls héritiers du combat des années 90. Toute action nouvelle est alors suspecte. En exemple, la coordination d’actions dans la diaspora qui est révélateur.

En effet, dès que de nouveaux acteurs émergent, ils sont immédiatement marginalisés ou accusés de « chercher la visibilité », comme si la visibilité était un crime quand elle n’est pas « autorisée » par certains anciens, certains théoriciens de stratégies qui n’existent que dans leur seules imaginations.
Ceux qui osent poser des critiques sur la lenteur ou l’inefficacité de certaines actions, ceux qui relèvent des imperfections sur des actions dont l’inefficacité est établie, ceux qui courageusement font des critiques objectives et constructives sont taxés de « traîtres à la cause », sans droit de réponse.

Mais pour qui roulent-ils ?

Quand ils calomnient les militants sincères, quand ils sabotent les efforts de mobilisation, quand ils démotivent les jeunes qui rejoignent la lutte, ils ne font que renforcer le système RPT/UNIR. Et c’est là tout le paradoxe. Ces prétendus résistants deviennent, dans les faits, les meilleurs alliés du régime, car ils désorganisent les fronts de lutte, créent la suspicion et paralysent l’élan populaire. Et les conséquences sur la dynamique de changement sont multiples et destructrices. Perte de crédibilité de l’opposition (le peuple observe des querelles internes constantes, ce qui renforce son scepticisme) ; démobilisation des citoyens (les jeunes ne s’engagent plus, écœurés par les divisions) ; renforcement du pouvoir en place (plus l’opposition est divisée, plus le régime s’installe dans la durée).

Appel et avertissement

Il faut cesser de transformer les frustrations personnelles en batailles publiques, de faire des procès d’intention sans fondement, de jouer les justiciers sans preuve. Ceux qui sabotent la lutte répondront devant le tribunal de l’Histoire. Leur silence face aux crimes du régime et leur bruit face à d’autres militants ne trompent plus.

L’heure, elle est à l’unité ; elle est à l’humilité ; elle est à la stratégie collective.
Si l’alternance tarde, c’est autant à cause du régime que de ceux qui prétendent le combattre en détruisant tout sur leur passage. Si l’alternance tarde, c’est autant à cause du régime que de ceux qui rament à contre-courant de la dynamique unitaire. Si l’alternance tarde, c’est autant à cause du régime que de ceux qui divisent les forces vives. Si l’alternance tarde, c’est autant à cause du régime que de ceux qui démobilisent les populations en distillant de fausses informations, dans l’intention de nuire. Si l’alternance tarde, c’est autant à cause du régime que de ceux qui, au nom de leur intérêt personnel, ou de celui du petit groupe auquel ils appartiennent, dealent au dos-du peuple…

Il convient de le savoir une fois pour de bon : le peuple togolais mérite mieux que ces égos destructeurs. Il est temps de recentrer la lutte sur l’essentiel, rétablir la souveraineté populaire, libérer le Togo et construire une République véritablement démocratique. Le combat ne se gagne ni dans la calomnie, ni dans la division, mais dans la loyauté, la clarté et l’unité des forces sincères. Contribuer à achever la lutte, c’est mettre fin aux égos destructeurs, aux égos surdimensionnés, aux égos calculateurs. Contribuer à achever la lutte, c’est harmoniser son point de vue avec celui des autres combattants et éviter de penser que sa théorie d’ailleurs imaginaire est la seule susceptible de conduire le peuple togolais à la terre promise. Contribuer à achever la lutte, c’est faire preuve d’humilité et de responsabilité face à toutes les situations qui sont en réalité des moyens de détournement d’attention savamment concoctés par le régime. Contribuer à achever la lutte, c’est grandir dans l’esprit et de savoir qu’entre-temps, on a quitté les gbairais pour s’introduire dans une lutte qui mérite beaucoup plus de sérieux, d’intégrité, d’engagement, d’abnégation, et d’altruisme, et surtout de vigilance.

Par Rodrigue Ahego

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