Présidentielles au Tchad : bras de fer entre le président Deby Itno et son premier ministre Succès Masra

Ils se sont exprimés devant des milliers de partisans dans des lieux aux antipodes l’un de l’autre dans la capitale N’Djamena, pour leur dernier meeting en ce jour de clôture de la campagne, ont rapporté des journalistes de l’AFP.

« Premier tour K.O. ! » a répété le général Déby, 40 ans, proclamé Président de transition le 20 avril 2021 par une junte de 15 généraux, à la mort de son père Idriss Déby Itno, tué par des rebelles après avoir régné 30 ans d’une main de fer sur ce pays sahélien parmi les plus pauvres du monde.

« Pour la première fois, le Tchad sera à vous, Tchadiens et Tchadiennes, pour une victoire dès lundi ! », a lancé Masra, 40 ans aussi, ex-opposant parmi les plus virulents à la « dynastie Déby », mais nommé Premier ministre il y a cinq mois par Déby, après avoir signé avec lui un « accord de réconciliation ».

Au début de la campagne il y a 15 jours, tous les observateurs prédisaient une victoire massive du général-président parce que le pouvoir militaire a continué, comme sous Déby père, de réprimer violemment toute opposition, parfois dans le sang et fait écarter ses rivaux les plus dangereux après que le Conseil constitutionnel eut invalidé la candidature de 10 d’entre eux.

Trouble-fête

Quant à Masra, accusé par le reste de l’opposition, qui appelle à boycotter le scrutin, d’être un « traître » rallié à la junte et candidat pour « donner un vernis démocratique » à une élection « jouée d’avance », il est apparu en fin de campagne comme un possible trouble-fête pour Déby. Capable au moins de le pousser à un second tour, parce qu’il draine des foules imposantes à chaque meeting.

Les deux hommes seront aussi opposés à huit autres candidats, dont une seule femme, aucun ne pouvant espérer grappiller plus que quelques suffrages, car réputés proches ou peu critiques du pouvoir ou peu connus.

Avant son meeting, Masra a parcouru 10 km émergeant du toit ouvrant d’une voiture qui roulait au pas, rejoint en chemin par des partisans à pied, à cheval, à dos de dromadaire ou en moto. Déby, lui, est arrivé en voiture blindée sur la place de la Nation, tout près de son palais présidentiel, entouré de très nombreux militaires lourdement armés.

Le Président de transition a lu, un peu emprunté et d’un ton monocorde, un discours multipliant les promesses et appelant à un « Tchad uni », ponctué par des « Il y a qui en face ? » qui ont déclenché les vivats d’une foule aux couleurs bigarrées d’innombrables comités de soutiens et de « 228 partis politiques » de sa coalition électorale.

Masra, lui, est monté sur la scène en dansant et a harangué la foule tout sourire en invoquant « un jour historique » lundi, « une volonté profonde de changement », et demandé à ses partisans de « tourner pacifiquement la page sur le passé ».

ni crédible, ni démocratique

« Nous sommes en train de montrer que l’argent dépensé hier dans les grenades lacrymogènes va être orienté vers les écoles et les hôpitaux », a-t-il promis, en mettant en garde les électeurs : « Les forces du passé vont essayer de nous faire reculer », « vous devez rester lundi près de chaque bureau de vote, observer le dépouillement (…) qui est le moyen de voler une élection. C’est votre devoir citoyen pour la vérité des urnes ».

Vendredi, la Fédération Internationale pour les droits humains (FIDH), « préoccupée par la situation des droits humains », s’est inquiétée dans un communiqué d’une « élection qui semble ni crédible, ni libre, ni démocratique », « dans un contexte délétère marqué par (…) la multiplication des violations des droits humains ». Et la nomination, en janvier par M. Déby, des membres d’un Conseil constitutionnel et d’une Agence nationale de gestion des élections (ANGE) dont les compositions sont « dominées par la coalition autour » du parti au pouvoir depuis 33 ans, le Mouvement Patriotique du Salut (MPS).

AVEC AFP

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