L’indépendance des artistes face aux clivages politiques au Togo

Dans une société où la liberté d’expression est un pilier fondamental, il est crucial de rappeler que les artistes doivent pouvoir exercer leur métier sans être injustement associés à des positions politiques. Récemment, une polémique a émergé autour de l’artiste plasticien togolais Sokey Edorh, accusé à tort de soutenir un parti politique parce qu’il a vendu ses œuvres au chef de l’État du Togo. Cette situation met en lumière une tendance préoccupante à politiser à outrance les relations professionnelles des artistes.

L’Artiste et ses Œuvres : Une Relation Indépendante de la Politique

Il est essentiel de comprendre que la vente d’œuvres d’art à un politicien, qu’il soit chef d’État ou président d’un parti, ne fait pas de l’artiste un partisan de ce politicien ou de son parti. L’art transcende les clivages politiques. L’acte de créer et de vendre une œuvre relève d’une démarche professionnelle et personnelle qui ne doit pas être systématiquement interprétée comme un soutien politique.

Sokey Edorh, par exemple, en vendant ses créations au chef de l’État togolais, n’a pas pour autant exprimé une adhésion politique. Il a simplement exercé son métier et partagé son talent avec un public élargi, indépendamment des affiliations politiques de ce dernier. Il est injuste et réducteur de présumer que cet acte de vente implique un soutien politique.

Le Cas de Paul Ahyi : Une Leçon Historique

L’histoire de l’artiste plasticien de renommée internationale Paul Ahyi est emblématique de cette problématique. Arrêté et taxé par bon nombre de Togolais comme étant l’artiste de l’ancien président de la République Eyadema, Paul Ahyi n’a jamais défendu ouvertement une position politique. Il se consacrait à son art avec passion et professionnalisme. Même si ses œuvres ont été achetées par le gouvernement togolais et qu’il avait reçu des commandes de monuments pour décorer le pays, cela ne diminuait en rien sa qualité d’artiste et ne faisait pas de lui un partisan politique.

La preuve de sa liberté d’esprit et de son indépendance réside dans la publication de son livre “Togo, mon cœur saigne”, où il exprimait sa déception face à la mauvaise gouvernance du pays à cette époque. Ce témoignage démontre clairement qu’il n’était pas lié aux aventures politiques que connaissait la population togolaise et qu’il était même critique vis-à-vis du régime en place.

Les Préjugés : Un Frein à la Liberté Artistique

L’un des principaux obstacles à la liberté d’expression des artistes est le préjugé selon lequel toute interaction avec des figures politiques signifie une affiliation idéologique. Cette perception erronée porte atteinte à la liberté artistique et impose aux artistes une surveillance indue de leurs relations professionnelles. En conséquence, cela peut dissuader les artistes de s’engager avec certains acheteurs, limitant ainsi leur marché et leur capacité à vivre de leur art.

Éduquer et Sensibiliser : Une Nécessité

Il est crucial de conscientiser le public sur le fait que les artistes, comme tout autre professionnel, ont le droit de vendre leurs œuvres à n’importe quel acheteur sans être jugés politiquement. Il faut éduquer les gens sur la distinction entre le commerce de l’art et l’engagement politique. Un artiste doit être libre de créer, exposer et vendre ses œuvres sans craindre d’être étiqueté à tort comme partisan d’un régime ou d’une idéologie.

La liberté d’expression et la liberté artistique vont de pair. Il est impératif de défendre ces libertés en cessant d’associer automatiquement les artistes aux affiliations politiques de leurs acheteurs. En respectant le travail des artistes et en reconnaissant leur droit à une pratique professionnelle indépendante de la politique, nous renforçons la diversité et la richesse culturelle de notre société.

Par Richard Laté Lawson-Body

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