Les intellectuels togolais, les troubadours de la lâcheté olympique.

Ah, nos chers intellectuels togolais ! Si la lâcheté déguisée en sagesse était une discipline olympique, ils auraient sans doute raflé toutes les médailles. Ces érudits, confortablement installés sur leurs trônes d’ébène, préfèrent observer la scène politique comme des spectateurs passifs dans un théâtre d’ombres, plutôt que de brandir la lumière de la vérité. Dans le contexte actuel de la révision constitutionnelle qui saute de la loi fondamentale du Togo les élections présidentielles pour un imposer un régime parlementaire, la mauvaise foi des intellectuels togolais a dépassé les bornes. 

Le dernier acte de cette farce s’est joué lors de la conférence organisée au cours de la semaine passée par le pouvoir togolais pour sensibiliser les diplomates accrédités au Togo sur les prétendus bienfaits du régime parlementaire. Comme si ceux-ci n’ont pas le niveau qualifié pour comprendre leurs manœuvres. Sous l’initiative de Robert Dussey, ministre des Affaires étrangères, un homme qui, ironie du sort, se proclame Professeur de Philosophie et auteur de livres comme ‘’L’Afrique malade de ses hommes politiques,’’ cette réunion n’était rien de plus qu’une tentative désespérée de légitimer un régime qui s’accroche au pouvoir.

Mais quelle absurdité de voir M. Dussey, lui qui devrait comprendre les concepts de vérité et de justice, se transformer en avocat d’une réforme constitutionnelle qui n’a pour but que de prolonger l’indécence politique ! Lui qui a écrit sur les maladies des hommes politiques africains se retrouve aujourd’hui à défendre avec zèle un système qui incarne précisément ces maux. Ne réalise-t-il pas que cette démarche, loin de convaincre, expose la vacuité de ses prétentions intellectuelles ?

Pendant ce temps, les populations togolaises, elles, souffrent en silence. Elles manquent de tout, même du strict minimum. L’accès à des services de base comme l’éducation, la santé, et l’eau potable demeure un luxe pour beaucoup. La pauvreté, le chômage et la précarité sont le quotidien de millions de Togolais. La liberté d’opinion et d’expression est à rude épreuve et toutes les voix dissonantes sont soit jetées en prison, contraintes à l’exil ou assassinées. Et pourtant, au lieu de s’atteler à améliorer ces conditions de vie, nos dirigeants préfèrent consacrer leurs énergies à manipuler des textes de loi pour s’accrocher à leurs privilèges.

Ce qu’il faut, c’est un État normal, un État où les institutions fonctionnent pour le bien-être des citoyens, et non pour la perpétuation d’un pouvoir déconnecté de la réalité. 

Un État où les intellectuels jouent leur rôle de vigie, dénonçant les injustices et proposant des solutions concrètes pour le développement du pays. Mais au lieu de cela, que voyons-nous ? Des penseurs, autrefois respectés, qui se transforment en troubadours de la lâcheté, prêts à sacrifier la vérité pour des miettes de reconnaissance.

Personne n’est dupe de cette supercherie, certainement pas les diplomates présents. Ils ont vu d’innombrables tentatives similaires ailleurs, et ils savent reconnaître un écran de fumée quand ils en voient un. 

Mais que dire de nos intellectuels qui, au lieu de s’insurger contre cette parodie, se joignent au chœur des flatteurs ? Jean-Paul Sartre disait : « L’enfer, c’est les autres. » Mais au Togo, l’enfer est aussi dans la trahison de ceux qui devraient être les gardiens de notre conscience collective.

Pendant que Faure Gnassingbé continue de manœuvrer pour perpétuer son règne, ces intellectuels ne sont pas les héros que le Togo attendait. Ils ne sont que les complices silencieux, ou pire, actifs, d’un naufrage politique.

 Leur silence ou leur soutien à ce cirque les condamne non seulement devant l’histoire, mais aussi devant leur propre conscience. 

Le rideau finira par tomber, et ce jour-là, il ne restera que le triste spectacle de leur trahison pour les juger. La postérité ne retiendra pas leur érudition, mais leur lâcheté, et leur complicité dans l’indigence qui ronge le pays.

Par Carlos KETOHOU

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