Le décès du révérend FADA DOVI : La marque et la trace

Depuis le décès du révérend père Dovi, communément appelé Fada Dovi, les témoignages foisonnent de la part des anciens de Saint Joseph, des Joséphiennes et des Joséphiens de toutes générations confondues. Au fond, à quoi le nom de Fada Dovi renvoie-t-il ? Quelle est sa marque et quelle est sa trace ?

Fada Dovi est d’abord pour beaucoup d’entre nous un éducateur hors pair qui a su traverser le temps avec une fidélité à lui-même incommensurable.
À la question que je lui ai posée sur sa sévérité au collège Saint-Joseph, il m’a répondu que c’était pour notre bien. Et si c’était à refaire, ce serait pareil.
La première signature de Fada est posée : accepter d’être fidèle à ce que l’on croit, car à cette question posée par un élève qui l’a rencontré pour la première fois à l’âge de 11 ans et qui lui exprime son constat 40 ans plus tard, il a su avec autorité et ce ton toujours posé et économe en mots montrer la voie.
Cette voie est celle de l’autorité incarnée et paisible.
Son autorité réside dans la juste attitude en tout temps et en toutes circonstances.
Il ne se défausse jamais et il affirme avec douceur ce qu’il croit.
Les autorités désincarnées ont tendance à crier, tempêter et provoquer.
La mesure en toute chose semble être une conduite de vie pour Fada.
On pourra retenir son allure de maître, droit dans ses bottes et droit dans ses pas.
Comment être responsable sans allure ?
Pour ceux qui ont connu l’environnement du Togo durant les années de plomb, il fallait savoir vivre.
Fada Dovi a réussi à protéger ses troupes de l’arbitraire des situations à travers parfois les difficultés de parents indexés ou d’élèves mis en cause.
Je me souviens de cette intervention dans notre classe lorsqu’un d’entre nous avait été arrêté pour sa liberté d’opinion. Ainsi, cet homme a réussi à fonder une grande famille scolaire et nous comptions pour lui comme il comptait pour nous.
Je me souviens encore d’une rencontre fortuite à la gare de Lille où, comme par enchantement, de nombreux Joséphiens se sont retrouvés pour le saluer.
J’ai compris alors que le réseautage était sa méthode opérationnelle.
Cette dénomination de Joséphien, je l’ai entendue pour la première fois de lui et il l’a élevée en lui donnant son ADN, comprenez des qualités qui donnent de la valeur et fondent un réseau (esprit de camaraderie, plaisir de se retrouver, attachement viscéral à notre collège et à ses maîtres).
Oui, Fada Dovi avait créé le premier réseau des alumni au Togo et son image de marque.
Il ne s’arrêtait pas au culte du diplôme mais encourageait le travail sans cesse, l’excellence toujours, mais surtout l’édification des hommes et des femmes conséquents.
Lorsque l’on le rencontre, son regard envoûtant te pose une question d’emblée à la fois un peu métaphysique, un peu pratique : quel homme ou quelle femme es-tu devenu après être passé au collège Saint-Joseph ?
On comprend alors que ce sont nos êtres intrinsèques qui l’intéressaient et non nos fioritures ou apparences.
Nous sommes un certain nombre à avoir été mariés par lui et donc un peu plus proches.
Même dans cette situation, il fait preuve d’un pragmatisme déconcertant, car il n’élude jamais aucun sujet mais accompagne sans cesse pour approfondir nos vies de couple.
Pour lui, le fond l’emportera toujours sur la forme.
Fada Dovi est surtout le témoin d’un monde disparu au Togo et en Afrique, car face au maître, l’apprenti a forcément tort.
Obéir à ses maîtres ne signifie pas qu’il faut se soumettre définitivement, mais accepter de progresser sous le regard exigeant du maître, et si d’aventure les parents sont convoqués, vous avez la double peine.
Les parents et les maîtres avaient le même souci du devenir des enfants et des plus jeunes.
Ce monde-là ne tolérait pas la facilité et encore moins la médiocrité. Souvenez-vous quand il passait dans les classes pour les bulletins du mois.
Après la lecture des notes et de ses appréciations, il revenait sur quelques comportements individuels ou collectifs comme pour nous montrer les hors-jeux inacceptables. Le cadre était tout le temps posé et les bonnes notes ne suffisaient pas.
Le triptyque camaraderie, travail et valeurs était rappelé sans cesse.
De quoi est-il le nom finalement ?
Il est cet homme qui a réussi à donner une place à des maîtres dans nos vies, car nous n’avions pas que des professeurs, mais des éducateurs hors pair qui nous forgeaient pour la vie en nous donnant des repères et des responsabilités.
Tous ceux qui ont été majors de classe ont hérité d’un capital-confiance pour la vie.
Sa marque est présente à travers le capital immatériel transmis, son autorité, sa fidélité à lui-même, sa communication somme toute sobre et ferme. Sa trace dans nos vies est une interpellation permanente autour du PRO DEO ET PATRIA.
Cette devise peut-être oubliée est un ferment pour des jeunes sur leur route, car il nous offre un chemin de vertu : servir ? Mais qui ? Mais quoi ?
Servir d’abord le maître de tous les temps en nous invitant ainsi à une transcendance permanente d’une part. Servir la patrie reste d’autre part cette leçon de choses à honorer si possible avec autorité, justesse du comportement, mesure et fidélité à ses idéaux.
Il y a tant de choses à dire, mais je nous laisse le soin de tisser ensemble ce grand pagne dont il nous a donné les fils pour nos vies.
Sa marque, vous l’avez compris, a évolué dans le temps, mais sa trace reste indélébile.
Joséphiens et Joséphiennes, nous portons un grand nom, puissions-nous être à la hauteur et à l’image de Fada Dovi, car son héritage humain, moral et spirituel est important.

Par Ayité Creppy

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