Dans un récent éditorial, Cyr Adomayakpor tente de justifier le maintien au pouvoir du chef d’État Faure Gnassingbé en invoquant la volonté divine. Cette malheureuse rhétorique soulève de sérieuses questions sur la nature du pouvoir et la responsabilité politique dans un État moderne.
Rappelons une vérité fondamentale : dans une démocratie, le pouvoir émane du peuple, non des cieux. L’idée que Dieu « donne » et « reprend » les dirigeants relève d’une conception archaïque de la gouvernance, incompatible avec les principes républicains. Ce discours, qui flirte dangereusement avec la théocratie, ne saurait masquer les défis réels auxquels le Togo est confronté.
L’action politique ne se mesure pas à l’aune de la ferveur religieuse. Elle s’évalue à travers des indicateurs concrets : croissance économique, réduction de la pauvreté, respect des libertés fondamentales. Sur ces points, le bilan reste implacable, comme en témoignent les rapports d’organisations internationales indépendantes.
L’auteur fustige ceux qui s’opposent au régime, les qualifiant de « fabulateurs » et d’« ennemis ». N’est-ce pas là le langage classique de tout pouvoir qui refuse la critique ? La preuve, 92 Togolais sont en prison depuis plus de six ans pour avoir rêvé d’un Togo libre et démocratique. Ce sont 92 prisonniers politiques de trop. Libérez-les !
Une démocratie saine se nourrit du débat, pas du culte de la personnalité. Les citoyens togolais aspirent légitimement à l’alternance, garante du renouveau politique.
Invoquer une « onction divine » pour justifier la longévité au pouvoir est un stratagème éculé. L’histoire regorge d’exemples de dirigeants qui, se croyant investis d’une mission céleste, ont conduit leur pays à la ruine. C’est notamment le cas de son père, Gnassingbé Eyadéma qui s’est maintenu au pouvoir pendant 38 ans en nous répétant cette rengaine : « Dans ma prière quotidienne, je dis toujours, si ce que je fais est bon, que Dieu me laisse continuer. Mais si ce que je fais est mauvais, que Dieu me barre la route. »
La vraie grandeur d’un leader réside dans sa capacité à accepter les limites de son mandat et à préparer sa succession.
Le Togo mérite mieux qu’un débat théologique stérile. Il a besoin d’une vision pragmatique pour relever ses défis : diversification économique, lutte contre la corruption, renforcement des institutions démocratiques. C’est sur ces terrains que Faure Gnassingbé sera jugé, pas sur sa prétendue proximité avec le divin.
Et comme le disait Montesquieu : « Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. »
La véritable providence d’une nation réside dans la force de ses institutions, pas dans la longévité de ses dirigeants. Il est temps que le Togo embrasse pleinement cette sagesse républicaine.
Gnimdéwa Atakpama