France : prison ferme requise contre la cheffe de l’extrême droite Marine Le Pen

Le parquet français a requis le 13 novembre 2024 cinq ans de prison, dont deux ans ferme aménageables, et une peine d’inéligibilité de cinq ans à l’encontre de la cheffe de l’extrême droite Marine Le Pen, dans l’affaire des emplois fictifs des assistants parlementaires de son parti, menaçant ses ambitions présidentielles pour 2027.

« Nous sommes ici dans une enceinte judiciaire et le droit s’applique à tous« , a insisté le procureur Nicolas Barret, demandant que cette peine s’applique dès la condamnation, y compris si la triple candidate à la présidentielle fait appel, estimant de pas être comptable de ses « ambitions » politiques.

Une telle peine « viendrait interdire aux prévenus de se présenter à des futures élections locales ou nationales« , a précisé le procureur devant Mme Le Pen, assise au premier rang des 24 autres prévenus, cadres du parti, ex-eurodéputés et anciens assistants parlementaires.

« Je pense que la volonté du parquet est de priver les Français de la capacité de voter pour ceux qu’ils souhaitent » et de « ruiner le parti« , a réagi devant les journalistes Mme Le Pen à sa sortie d’audience, alors qu’une amende de 300.000 euros a été requise à son encontre.

L’accusation a dépeint mercredi dans son réquisitoire un « système organisé » de détournement de fonds publics au préjudice du Parlement européen, avec des « contrats artificiels » d’assistants parlementaires afin de « faire économiser » de l’argent au parti.

« Nous ne sommes pas ici aujourd’hui en raison d’un acharnement », ni à cause d’une dénonciation « du Parlement européen« , mais au terme « d’une longue information judiciaire« , avait déclaré d’emblée en début de réquisitoire l’une des deux représentantes de l’accusation, Louise Neyton.

« Vous prendrez votre décision au vu des pièces du dossier« , et après « six semaines d’audience » et des « débats particulièrement fournis« , avait poursuivi la magistrate dans une salle d’audience pleine.

Tour à tour, au fil de leurs réquisitions, les deux procureurs ont détaillé mercredi l’architecture d’un « système » qui a selon eux été mis en place au Front national (devenu Rassemblement national, RN) entre 2004 et 2016, consistant à embaucher des assistants parlementaires européens « fictifs » qui travaillaient en réalité pour le parti.

« Preuve standard » 

A l’époque, « le parti est dans une situation financière particulièrement tendue. Tout ce qui peut contribuer à l’allègement des charges va être utilisé de manière systématique« , que ce soit « légal ou pas« , a affirmé Louise Neyton, alors que Marine Le Pen fait des « non » vigoureux de la tête.

Le Parlement européen ne fait que des « contrôles comptables« , pour le reste il fait « confiance » aux eurodéputés quant à l’utilisation de leur dotation mensuelle de 21.000 euros: « Alors, c’est trop tentant, ces enveloppes vont apparaître comme une aubaine et être utilisées comme telles« , a insisté la magistrate.

Et ce « système« , dit l’accusation, va « se renforcer » avec l’arrivée, en 2011, de Marine Le Pen à la tête du parti, avec un salarié chargé de la gestion des contrats européens, qui rend compte « seulement » à la présidente, la « donneuse d’ordres« .

En 2014, après l’élection d’une vingtaine d’eurodéputés FN, le trésorier du parti, Wallerand de Saint-Just, écrit: « Nous ne nous en sortirons que si nous faisons des économies importantes grâce au Parlement européen« , a rappelé la procureure.

Et d’évoquer les mails, « pas tous, il y en a trop« , parlant de « montages financiers« , de « transferts » de tel assistant « sur » tel député en fonction de la disponibilité des enveloppes. L’un ou l’autre, « tu peux choisir« , est-il écrit dans un message.

Face à « la fiction alternative » proposée en défense, les procureurs se plongent ensuite longuement dans le détail du dossier. Prévenu par prévenu et contrat par contrat, ils décortiquent pour chacun « la nature du travail » effectué par les 12 assistants parlementaires, le « lien de subordination » qu’ils entretiennent avec « leur député » européen, neuf dont Marine Le Pen sont jugés au total, pour détournement de fonds publics.

Avec un constat général. En justificatif de travail, « il n’y a rien« , sauf « la fameuse preuve standard: la revue de presse« . Les contrats de travail ? « Artificiels« , sans « cohérence« ,  « on est très contents de quelqu’un mais on s’en sépare, puis on le reprend« , commente Nicolas Barret.

Des « déclarations à géométrie variable« , voire du « n’importe quoi« , résume Louise Neyton.

Le Parlement européen a évalué son préjudice financier à 4,5 millions d’euros, mais n’en réclame que 3,4 (une partie ayant été remboursée).

Avec AFP

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