En France, l’Assemblée s’apprête à adopter mercredi un texte de lutte contre les dérives sectaires (secte), notamment sur internet, avec un suspense autour d’un nouveau délit pour punir « la provocation à l’abstention de soins » médicaux, le gouvernement espérant rattraper un vote perdu mardi.
Face aux « gourous 2.0 » et leurs fausses promesses de guérison du cancer par des « injections de gui » ou des « jus de citron », l’exécutif veut créer cette nouvelle infraction de « provocation à l’abandon ou à l’abstention de soins » exposant à un risque « grave » pour la santé.
Les députés, par une coalition des oppositions, ont rejeté mardi soir cet article controversé par 116 voix contre 108. Mais le gouvernement pourrait solliciter une nouvelle délibération dès mercredi après-midi, selon des sources macronistes.
LFI, communistes, LR et RN voient dans cette mesure une menace pour les « libertés publiques ». A gauche, l’insoumis Jean-François Coulomme dénonce un délit « trop vague », et craint qu’il empêche de « critiquer les dérives pharmaceutiques ».
Plusieurs parlementaires de gauche comme de droite ont invoqué la lanceuse d’alerte Irène Frachon et son rôle décisif dans l’affaire du Mediator, ce médicament contre le diabète utilisé comme coupe-faim et responsable de graves pathologies.
Dans des discussions parfois tendues, des macronistes ont reproché à la droite et à l’extrême droite de raviver les débats sur le pass sanitaire, voire de reprendre des arguments d’opposants aux vaccins contre le Covid.
Mardi soir, des élus de la majorité, le gouvernement et des députés socialistes avaient tenté en vain de sauver la mesure, pour protéger les « victimes » de « charlatans », ces « personnes qui conseillent avec beaucoup d’emphase et de techniques d’arrêter les traitements » médicaux.
La Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) « alerte sur les solutions miracles proposées par certains pseudo-thérapeutes contre des pathologies cancéreuses », avait souligné la secrétaire d’Etat Sabrina Agresti-Roubache (Ville), à l’ouverture des débats.
Crispation
Chez les professionnels de santé, l’ordre des médecins soutient le texte face à la pratique illégale de la médecine.
Les médecins ont « besoin de ces outils », abonde le collectif No FakeMed, qui insiste pour autant sur la prévention et l’accompagnement des acteurs de la santé et des « professionnels du bien-être ».
Dans les rangs macronistes, certains se demandent si l’attitude de la secrétaire d’Etat Sabrina Agresti-Roubache dans l’hémicycle, quelques heures avant le vote, n’a pas contribué à la déconvenue du camp présidentiel.
« Ce n’est pas impossible », glisse un élu. La ministre a crispé jusqu’au sein de la majorité en ne s’opposant pas à certains amendements RN.
Le président du groupe Renaissance Sylvain Maillard avait demandé une suspension de séance pour échanger avec Mme Agresti-Roubache et « calmer le jeu », poursuit ce député.
Le début des discussions s’était toutefois déroulé sans accroc pour le camp présidentiel. Contrairement au Sénat, l’Assemblée a validé un nouveau délit de placement ou de maintien en état de « sujétion psychologique », afin de mieux appréhender les « spécificités de l’emprise sectaire », selon le gouvernement.
« Nous souhaitons agir en amont de l’abus de faiblesse en sanctionnant le fait même d’assujettir une personne par des pressions graves, ou réitérées, ou de techniques propres à altérer le jugement », a expliqué Mme Agresti-Roubache.
Ce projet de loi érige aussi en circonstance aggravante l’abus de faiblesse commis au moyen d’un support numérique ou électronique, les peines étant portées de trois ans d’emprisonnement et 375 000 euros d’amende aujourd’hui à cinq ans d’emprisonnement et 750 000 euros d’amende si la loi proposée entre en vigueur.
Ce texte entend par ailleurs protéger les mineurs avec des délais de prescription allongés.
La rapporteure Renaissance Brigitte Liso souligne que « le nombre de signalements » de dérives sectaires a « presque doublé entre 2015 et 2021 », avec 4.020 enregistrés en 2021. Le gouvernement veut faire face à un « fléau » des dérives sectaires en « constante évolution » et « adapter le droit ». Il reste une trentaine d’amendements à examiner mercredi après-midi, en première lecture.
Avec l’AFP