Françafrique : Entre cash et pouvoir – les confessions de Gbagbo et Bourgi relancent le débat

Depuis quelques semaines, la question de la Françafrique fait à nouveau les gros titres, notamment dans la presse française. Ce regain d’intérêt est dû à la publication des mémoires de Robert Bourgi, avocat et lobbyiste, ancien collaborateur de plusieurs présidents français et africains. Dans son ouvrage, Bourgi se décrit comme un acteur clé de la Françafrique, dévoilant des pratiques qui ont longtemps marqué les relations entre la France et l’Afrique.

L’un des aspects les plus marquants de ses révélations concerne son rôle dans le transfert de “valises de cash” des dirigeants africains vers leurs homologues français, qu’il qualifie de “dons”. Parmi les allégations les plus retentissantes figure celle d’un versement de 3 millions de dollars effectué par l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo à l’ex-président français Jacques Chirac. Bourgi affirme également que Nicolas Sarkozy aurait demandé à Gbagbo de céder le pouvoir à « son ami » Alassane Ouattara lors de la présidentielle de 2010, malgré la « victoire » de Gbagbo. Face à son refus, Sarkozy aurait menacé de le « vitrifier », une déclaration qui résonne fortement dans le contexte de l’arrestation et du procès de Gbagbo devant la Cour pénale internationale (CPI).

Cependant, les déclarations de Bourgi ont suscité de nombreuses réactions. Tandis que certains observateurs les perçoivent comme une tentative de saboter une éventuelle candidature de Gbagbo pour la présidentielle de 2025, d’autres y voient une attaque directe contre la légitimité du président Alassane Ouattara.

Les Confessions de Gbagbo

Pour clarifier ces accusations, Laurent Gbagbo a pris la parole la semaine dernière sur la chaîne AFO Média, dans une interview menée par le journaliste Alain Foka. Gbagbo a confirmé avoir reçu un appel de Bourgi en 2010, lui demandant de céder le pouvoir sous la pression de Sarkozy, mais il a rejeté cette demande, affirmant : « Il y a des choses avec lesquelles je ne peux pas jouer. La liberté de mon pays, l’indépendance de mon pays. C’est mon pays, la Côte d’Ivoire qui est aux élections. Et le Côte d’Ivoire se donne le président qu’elle veut. Moi je n’attends pas à ce que, quelqu’un, parce qu’il est assis à l’Elysée, puisse designer un Chef d’État en Côte d’Ivoire ».

Sur la question des millions de dollars envoyés à Jacques Chirac, Gbagbo a confirmé qu’il s’agissait bien de 2 milliards de francs CFA, déjà mentionnés dans son livre “Pour la vérité et la justice”. Selon lui, ce don ne devait pas surprendre, car il répondait simplement à une demande de l’ancien président français. Toutefois, il a exprimé son étonnement face à cette sollicitation, tout en affirmant que Jacques Chirac n’était pas le seul dirigeant à lui avoir demandé de l’argent, sans pour autant donner plus de précisions.

Ces révélations ravivent des interrogations sur l’état actuel de la Françafrique. La domination française en Afrique a-t-elle réellement pris fin ou persiste-t-elle sous d’autres formes ? Alors que Gbagbo, acquitté par la justice internationale, a été gracié en 2022 par Ouattara pour une condamnation de 20 ans liée à la crise post-électorale de 2010-2011, il reste toujours écarté de la scène politique nationale, n’étant pas amnistié et donc inéligible.

Ces déclarations ouvrent ainsi un nouveau chapitre dans l’histoire tumultueuse des relations entre la France et l’Afrique, où la transparence et l’indépendance restent des enjeux centraux pour l’avenir du continent.

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