Autrefois cordiales, les relations diplomatiques entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso se sont dégradées depuis le coup de force qui a parachuté Ibrahim Traoré au pouvoir.
Les nouveaux hommes forts de Ouagadougou et les autorités ivoiriennes se lancent des piques.
Les réseaux sociaux sont désormais prompts à s’enflammer à chaque incartade réelle ou supposée de l’une des deux armées, la junte d’Ibrahim Traoré soupçonnant son voisin d’œuvrer à la déstabilisation de son pouvoir.
Depuis le jeudi 16 mai 2024, une vidéo qui a abondamment circulé sur les réseaux sociaux et transcrite par le journal Le Monde renforce les tensions entre les deux pays.
Filmées au téléphone, les images sont légendées ainsi : « Violation de frontière du Burkina par les forces de l’ordre ivoiriennes ». Elles montrent une file de véhicules militaires (légers, blindés, ambulance) qui s’avance sur une route non goudronnée, passant devant un drapeau burkinabé fiché au sol. Un petit groupe d’hommes en tenue civile mais armés, qui semblent être des Volontaires pour la défense de la patrie (VDP), ces supplétifs recrutés par les autorités burkinabées pour appuyer l’armée, les observent, passifs.
« Voilà les Ivoiriens ! Vous les voyez ?, dit la voix de la personne qui filme. Vous voyez ? Ce sont les Ivoiriens, ils sont venus en quantité, avec des véhicules. Donc nous informons les autorités burkinabées que les Ivoiriens sont en train de faire un truc. Ils sont venus avec des chars, des blindés… Six, sept, huit, neuf, dix… »
Dans cette région où la frontière n’est pas clairement définie, les auteurs de cette vidéo affirment que la scène se passe à Hélintira, côté burkinabé. Une note militaire consultée par Le Monde la situe quant à elle « a priori en limite de frontière, côté Côte d’Ivoire ».
Quoi qu’il en soit, les autorités burkinabées « prennent au sérieux cette nouvelle provocation », poursuit la note, qui souligne un risque de tensions diplomatiques accrues et un « risque élevé de (re)déploiement d’un bataillon d’intervention rapide, avec toutes les conséquences envisageables de confrontation entre forces de sécurité ».
« Pour l’instant, on est à l’étape de la dissuasion et de montrer ses muscles, tempère Arthur Banga, politologue spécialiste des questions sécuritaires. Il n’y a pas de volonté d’aller à un affrontement dont personne n’a vraiment ni l’envie, ni les moyens, et surtout dont tout le monde craint les conséquences imprévisibles. »
Car la zone est d’autant plus sensible que les groupes armés terroristes y profitent de l’absence de coordination entre les deux armées. « Il faut tout de même arrêter de jouer avec le feu, estime le chercheur. Et tenter de poser les bases d’un dialogue pour une relation correcte et apaisée, à défaut d’être étroite et cordiale. »
Des relations tendues
Une source proche de l’armée ivoirienne assure que la colonne de véhicules n’a pas franchi la frontière mais concède qu’« un tel déploiement a pu émouvoir la dizaine de VDP burkinabés en poste, d’autant que les deux derniers véhicules qui apparaissent sur la vidéo semblent être des Cobra II d’Otokar », des véhicules de défense turcs dont plusieurs unités ont été acquises ces dernières années par la Côte d’Ivoire.
Ces engins de transport de troupes et de reconnaissance sont initialement destinés à des interventions rapides de contre-terrorisme face à des groupes armés. Quant aux raisons de ce mouvement de véhicules, elles n’ont pas été explicitées par l’armée ivoirienne.
Une chose est sûre, ces évènements qui sèment le trouble ne sont pas nature à améliorer les relations déjà tendues entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso d’Ibrahim Traoré.
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