Crise Bénin-Niger : Abdourahamane Tiani avance les preuves de ses accusations contre Patrice Talon et la France

Depuis quelques temps, Abdourahamane Tiani n’a cessé d’accuser le Bénin de Patrice Talon de déstabiliser le Niger avec l’aide de la France.

Autrefois sans preuves, le chef de la junte nigérienne avance désormais des arguments pour étayer ses accusations.

Dans un entretien diffusé sur la télévision nationale le samedi 3 août 2024, le président de la transition nigérienne, le Général Abdourahamane Tiani a évoqué le différend qui oppose le Niger au Bénin et à la France.

 Dans un long développement, l’homme fort de Niamey a donné les raisons pour lesquelles il a procédé au maintien de la fermeture des frontières de son pays vis à vis du Bénin et aussi, pourquoi il est en froid avec Patrice Talon.

Ci-dessous, l’intégralité de ses propos sur le sujet :

« Le 30 juillet, quand la CEDEAO avait décidé de mettre le Niger sous embargo, le président Talon, c’est à partir d’Abuja qu’il avait appelé pour dire d’interrompre tout chargement, tout franchissement des moyens nigériens. Quand je dis moyens, je veux dire moyens automobiles qui chargent à Cotonou ou qui ont chargé de l’intérieur du Niger et qui sont sur le pont de Malanville, poste frontalier, d’ailleurs l’unique que nous avons avec le Bénin.

C’est à partir d’Abuja au Nigeria qu’il avait pris cette décision parce qu’il fallait punir les Nigériens qui ont osé prendre leur destin en main. Tout à fait normal en tant que président du Bénin qui donne des ordres, même si nous pensons qu’il y avait une autre façon de faire qui consistait à laisser transiter ce qui est chargé au port de Cotonou. Mais c’est une décision souveraine prise par un responsable d’un État souverain. Nous avons vécu cet embargo total du côté de notre poste frontalier avec le Bénin.

Le pipeline, entre-temps, les travaux n’ont pas été impactés par l’embargo. Jusqu’à la fin de l’exécution des travaux du pipeline, aucune contrainte, parce que le président Talon s’était déplacé en Chine pour donner cette garantie aux autorités chinoises qu’il ne fera entrave en aucune manière et il va respecter les accords entre la République du Niger et la République du Bénin, qui disaient qu’en aucun cas les travaux du pipeline ou l’exploitation du pipeline ne peuvent être entravés par l’une ou l’autre partie.

Les travaux se sont donc poursuivis malgré l’embargo. Le premier bateau a été chargé, le deuxième bateau est arrivé. Le président Talon se rappelait tout d’un coup que le Niger, après que la CEDEAO ait levé l’embargo, a refusé d’ouvrir sa frontière. Quand ils ont fermé la frontière, nous avons acté. Nous ne sommes pas intervenus pour dire que le président Talon a mal agi quand il s’agit de notre sécurité, sachant ce que nous savions et que nous savons toujours de ce qui se tramait au Bénin à travers justement les agents de la DGSE française.

Quand les gens parlent de base, il n’y a pas de base, mais une action de déstabilisation subversive ne se mène pas avec des troupes conventionnelles, sinon ce ne serait pas une action subversive. La subversion, les gars n’ont qu’à consulter le dictionnaire pour voir ce que cela veut dire en termes littéraires, sans parler du domaine des spécialistes. Donc, le fait de dire qu’il n’y a pas de base, ce sont des camps avancés pour lutter contre le terrorisme. Mais nous savons ce que nous savons. Nous savons ce qui s’est passé au Bénin.

Automatiquement, je vous l’ai dit, après la décision de la CEDEAO, le président Talon a pris la mesure et la responsabilité sur lui d’appliquer à la lettre les mesures de la CEDEAO. C’est un État souverain, je l’ai dit. Il est libre de faire ce qu’il veut, mais qu’on nous laisse également cette liberté de protéger notre pays. Nous savons déjà que le 25 août 2023, la France avait loué trois hélicoptères Super Puma auprès d’une société qui s’appelle Elinka, d’une nationalité que je tairai. Ces Super Puma étaient déjà sur le tarmac de Kandi. Le 26, ils étaient à Kandi pour donner la correction au Niger qui a osé dire trop c’est trop.

En plus de cela, des éléments de subversion, comme ils l’ont prédit, se sont positionnés à l’aéroport international de Trou, un aéroport que les Français ont réhabilité expressément au Bénin, à Trou, à 7 km à l’ouest de Parakou. L’aéroport international de Trou est à 6,8 km à l’ouest de Trou. Cet aéroport a été réactivé, rénové. Les Français avaient débarqué des agents avec du matériel à travers des vols cargo qui ont atterri, le premier vol à 2h du matin, le deuxième à 3h du matin pour débarquer du matériel, parce qu’il fallait régler les comptes au Niger.

Nous savons que des agents de renseignement en tenue civile étaient à l’hôtel GB de Kandi le 25 et le 26 septembre 2023. Ils étaient en tenue civile, en reconnaissance. Il fallait reconnaître l’aérodrome de Porga, qui fait 2 km à la lisière de la frontière, toujours dans le parc W, à la lisière de la frontière Bénin-Burkina Faso, 2 km à l’intérieur du W côté Bénin, 2 km donc de la frontière burkinabé. Cet aéroport de Porga est entre les mains des Français, officiellement chargé de préserver le parc. Vous vous rappelez de cet officier des Eaux et Forêts du Bénin qui avait élevé la voix contre les agissements dans ce parc à travers la réalisation de cette piste, et vous savez le sort qui lui a été réservé.

Donc nous savons, c’est une évidence, que cet aéroport dont nous avons les coordonnées, je pourrais les donner exactement. Ensuite, ces mêmes agents de renseignement français étaient dans un village qu’on appelle Alpha Koara, où il y a une piste de moindre ampleur. Nous avons les coordonnées de cet aérodrome où les Français étaient partis en reconnaissance, toujours accompagnés des agents subversifs français.

Nous savons que l’École Normale de Kandi, une école normale abandonnée qui est à la sortie nord de Kandi, est occupée par ces agents subversifs français où ils évoluent avec 10 Toyota Hilux à immatriculation civile, notamment de l’administration béninoise.

La sécurité de ces gens est assurée par la police républicaine du Bénin. Nous savons également, toujours dans leur recherche des points de position à partir desquels ils vont déstabiliser le Niger, ces mêmes agents ont effectué une mission de reconnaissance sur les hauteurs sud-ouest du village qu’on appelle Madikali. Nous savons tout cela avec les effectifs précis. Je le rappelle, ce ne sont pas des bataillons, ce ne sont pas des compagnies, mais des groupes d’agents subversifs qui évoluent en tenue civile et avec des éléments des forces armées béninoises eux-mêmes en tenue civile.

Nous savions tout ça. Nous savions mieux que ça. Des vols de reconnaissance que les Français faisaient à partir du Bénin, en prenant souvent les précautions pour rester à l’intérieur du territoire béninois, mais comme ils ont une grande capacité de zoom, ils pouvaient prendre des images, découvrir des points de passage, découvrir des points de vulnérabilité, découvrir nos positions. Mais étant à l’intérieur du Bénin, nous ne pouvons pas agir sur ces éléments ni agir contre ces éléments. Donc nous savions tout ça, nous l’avons dit, le Bénin n’a pas semblé nous écouter. Les gens ont fait du dilatoire pour dire qu’il n’y a pas de base, il n’y a pas de régiment, il n’y a pas de brigade, il n’y a pas de bataillon. Nous n’avons jamais dit qu’il y a des bataillons, il y a des agents de déstabilisation subversive français à l’intérieur du Bénin. Ils ont fait leur relève début juillet, nous les suivons d’ailleurs. Une nouvelle équipe est venue, leurs relèves ont eu lieu le 5 juillet. Nous le savons, qu’ils sachent que nous le savons et qu’ils s’en tiennent pour dit que nous épions tous leurs faits et gestes.

Ces agents français étaient ceux-là mêmes qui ont donné des instructions directes aux terroristes pour vider tous les villages agricoles de la région de Tillabéri. Ils ont donné des instructions claires de massacrer des populations pour les pousser à quitter et ne pas exercer d’activités agricoles. Oui, nous le savons. Ils ont fait pire que ça, mais nous savons tout ça et nous tenons compte de tout cela pour décider de la sécurité des populations nigériennes.

Le Bénin, le président Talon a fait beaucoup de tapage sur le fait qu’il avait envoyé un émissaire vers son frère Tiani. Mon frère qu’on appelle frère parce qu’on l’a voulu, oui, et un frère qu’on pense qu’il y a encore des liens de fraternité avec ce frère qu’on a voulu déstabiliser. Mais rétablissons les faits puisque je n’ai jamais parlé de ça. Aujourd’hui, je parlerai de ça. De quoi s’agit-il? Le 26 juin, le PDG de China National Oil Development Company était venu ici à Niamey.

Je l’ai reçu en audience avec l’ambassadeur de la République populaire de Chine. Il a émis le vœu qu’une rencontre puisse avoir lieu, une rencontre tripartite. Au moment de l’audience, il y avait le conseiller technique en matière de pétrole, il y avait la DGA du WAPCO qui était présent. Je les avais instruits de prendre contact avec le ministre du Pétrole pour trouver une date avant le 31, date à laquelle cette rencontre tripartite entre le Bénin, le Niger et WAPCO pouvait avoir lieu. C’est ce qui a été fait. Déjà, les échanges sont partis le 26 juin. Le ministre de l’Eau et de l’Énergie du Bénin était venu dans le cadre de cette rencontre tripartite.

Il se trouvait qu’au moment où il était venu au Niger, le Premier ministre était en déplacement, le ministre de la Défense qui assurait son intérim était en déplacement, malheureusement la deuxième personnalité dans l’ordre protocolaire qui devait assurer l’intérim était le ministre d’État, ministre de l’Intérieur.

Il était couché, la troisième c’était le ministre de la Santé qui a reçu le ministre béninois. À l’issue de la rencontre qui avait duré 48 heures, dont les images ont circulé à la télévision nationale, il se disait satisfait de la mission qu’il avait effectuée dans le cadre de cette rencontre tripartite. Tout d’un coup, il a pensé qu’il est porteur d’un message du président Talon vers le président Tiani et il a souhaité me rencontrer. Les messages officiels font l’objet d’un traitement spécifique à travers le ministère des Affaires étrangères. Il aurait fallu qu’il le dise avant de quitter le Bénin.

Après la rencontre tripartite, il souhaiterait transmettre au président du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie un message de son frère, le président Talon. Le ministère des Affaires étrangères lui aurait répondu en fonction de mon calendrier. Voilà ce qui s’est passé. Voilà la vérité des faits, et cela a donné lieu à une polémique internationale.

Je crois que le président Talon était à l’époque au Brésil quand il a fait un tweet pour dire que le méchant président de la transition du Niger a refusé de prendre la main fraternelle qui lui avait été tendue à travers un porteur de messages. Voilà ce qui s’est passé et ce sont des faits. Ce ne sont pas des tissus de mensonges, ce sont des faits et les faits sont vérifiables.

Tous ces agissements ont conduit les deux parties à être chacune sur ses gardes, bien sûr. Nous avons la responsabilité de la sécurité de notre pays, nous avons la responsabilité de la sécurité des citoyens nigériens. Nous prendrons les mesures nécessaires pour ne pas répondre devant Dieu d’avoir trahi la confiance des Nigériens.

Le jour où nous saurons qu’il n’y a aucune menace du côté du Bénin, nous prendrons les mesures appropriées et nous espérons, à travers des démarches déjà initiées de part et d’autre, particulièrement je profite pour remercier le président Soglo et le président Yayi Boni qui ont fait le déplacement malgré le poids de l’âge pour venir vers nous et nous demander de renouer le fil du dialogue.

Dans la même lancée, nous avons envoyé une mission, conduite par le ministre d’État, ministre de l’Intérieur, qui a échangé et au retour, nous a fait le point de cette mission. Il y a des perspectives, mais la sécurité est l’urgence la plus urgente. Il y a des perspectives de reprise, mais la sécurité d’abord, conditionnée par les mesures de sécurité. C’est une question de responsabilité, de responsabilité vis-à-vis du peuple nigérien. »

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