COMPRENDRE ET COMBATTRE LE TERRORISME D’ÉTAT EN ŒUVRE AU TOGO DEPUIS LE 13 JANVIER 1963

Par Senouvo Agbota ZINSOU

Presentation : Ce texte est à la fois un témoignage personnel et un manifeste politique.
Il vise à faire comprendre que le coup d’État de 1963 n’a pas seulement été un événement ponctuel, mais le début d’un système de domination violente.
Son objectif est de réveiller la conscience collective et de mobiliser le peuple togolais contre ce qu’il décrit comme une guerre permanente menée par les dirigeants contre leur propre population. LTG

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Contexte initial

Samedi, 12 janvier 1963. Le vent froid appelé harmattan s’en allait lentement. Le soleil abordait son déclin sur le village de Kpele-Ele. Qui était Président de la République du Togo ? C’est ce que vous allez apprendre.

J’étais élève du cours complémentaire de Kpele-Ele, en classe de cinquième. Je fais ce récit tel que je l’ai vécu, mais je voudrais que chacun en prenne la distance qu’il faut pour réfléchir et agir.

Vie quotidienne avant le drame

Les marchands et surtout les marchandes, venus animer son marché national qui se tenait tous les samedis, avaient commencé à ranger leurs produits invendus dans des paniers et des caisses : produits vivriers cultivés dans les champs du village et ceux des villages environnants, produits manufacturés surtout venus de Lomé : tissus, cigarettes, savons, conserves et autres produits de première nécessité.

Le long de la route nationale attendaient les camions. Les commerçants vendant ces produits vont repartir avec eux vers Lomé par le train, à partir de la gare de Kpalimé, ce soir si possible, ou demain matin par le premier train. C’est ce train que je vais prendre pour aller recevoir un peu d’argent chez mon père, alors fonctionnaire. Je savais aussi que ma grand-mère ne me priverait pas d’une des bonnes sauces dont elle détenait le secret. Je prendrai donc le premier train demain, après avoir passé la nuit du 12 janvier à Kpalimé où nous avons quelques parents. Mon retour à Kpele-Ele est prévu à lundi 14 janvier, au plus tard.

Le voyage en train

Dans le train tout était normal. Les voyageurs faisaient connaissance les uns avec les autres. On bavardait, on riait. On chantait. Et figurez-vous, on chantait les chansons à la mode à cette époque, les chansons de l’Ablodé, dans lesquelles le nom mythique de Papa Siva ou Sylvanus Olympio revenait souvent. Le train roulait à l’allure habituelle.

Arrivé à Kevé, le mécanicien reçut un ordre inhabituel : le train n’était plus autorisé à poursuivre le voyage ! L’ordre, normal jusque-là, était troublé. Chansons, y compris celles à la gloire de Papa Siva, rires… cessèrent, laissant la place à l’inquiétude.

Les rumeurs de guerre

Le bruit commençait à courir qu’une guerre avait éclaté à Lomé : les assaillants seraient des militaires de l’armée ghanéenne : cause, le conflit du Togo britannique. Puis des murmures, des chuchotements, des conversations en petits groupes de deux, trois… Certains s’inquiétaient, les denrées périssables dans les caisses et les paniers… ; l’angoisse grandissait. Quelques-uns affichaient leur patriotisme, leur bravoure, leur détermination : “Nous sommes des Asafo ! S’il faut aller au combat, même avec des armes blanches…”.

Puis vint un contre-ordre au mécanicien : les voyageurs, dont certains s’étaient éloignés du train, pouvaient rembarquer. Dans le train, différentes radios parlaient de ce qui s’est passé à Lomé très tôt, ce matin du dimanche 13 janvier : un coup d’État avec l’assassinat du Président Sylvanus Olympio. On pouvait entendre deux ou trois déclarer : “Papa Siva ! Papa Siva ! Pourquoi n’est-ce pas plutôt moi que l’on sacrifie à sa place ?”.

L’arrivée à Lomé

Notre train entre à Lomé : quelques personnes, dont surtout des enfants, sortent des églises et des temples. Nous arrivons à la gare. À l’époque, sortant du train, les voyageurs suivent un couloir au bout duquel s’effectue un dernier contrôle de ticket. Cela pouvait se faire, le sourire aux lèvres et dans une atmosphère conviviale.

Ce dimanche 13 janvier 1963, il y eut un contrôle, fait non par les agents de la CFT, mais par les hommes en kaki, lourdement armés, le regard farouche. Ce qu’ils ont contrôlé n’est nullement le ticket mais nos corps, celui des hommes et des femmes, de même que les paniers, caisses de marchandises.

Le choc national

Dans la rue, ce jour, aucun attroupement ne montrait que le peuple venait de subir un coup terrassant. À la maison, la radio diffusait de la musique militaire entrecoupée de communiqués effrayants, numérotés des nouveaux maîtres du pays.

Le maître mot, prononcé ce jour par les Asafo des abords de Kevé, est celui de GUERRE.

La guerre contre le peuple

Les instigateurs du coup d’État du 13 janvier 1963 savent depuis cette date qu’ils doivent faire et font la guerre au peuple togolais pour le soumettre. Pour eux, il s’agit à tout prix de détenir le pouvoir pour en jouir. Et ils acceptent de concéder des miettes à ceux qui les soutiennent dans leur entreprise, la GUERRE. Et à la GUERRE, ils tuent tout ennemi.

Appel à l’unité et à la résistance

Maintenant, pensez à un vieillard de soixante-dix-neuf ans qui subit le traumatisme de 1963, à 16 ans, à ceux qui l’ont subi plus jeunes encore et à ceux qui en ont seulement entendu parler. Que tout ce monde s’unisse dans un mouvement qui s’élève contre ceux qui ont fait jusqu’à ce jour la GUERRE contre le peuple togolais.

Par Senouvo Agbota ZINSOU

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