Dans cette interview accordée au confrère “Liberté” dans sa parution N°3965 du vendredi 15 Novembre 2024, le président du Parti des Togolais, Nathaniel Olympio, commente les derniers développements de l’actualité sociopolitique togolaise. Lisez!
Q : La Constitution a été promulguée depuis le 6 mai 2024 et tout semble en route pour un basculement total dans la Ve République d’ici cinq mois. Et pourtant, depuis le premier vote d’adoption de cette Constitution par l’Assemblée nationale en mars dernier, vous continuez à la contester. N’est-ce pas trop tard ?
R : Non, il n’est pas trop tard. A titre d’exemple, je vous rappelle qu’en Guinée, l’ancien président Alpha Condé a changé la Constitution pour forcer un troisième mandat. Cela a suscité de grandes manifestations de contestation réprimées dans le sang. Au final, c’est après un an de lutte qu’il est tombé. Donc, la persévérance est nécessaire.
Q : Qu’est-ce qui vous motive autant ?
R : Je continue ce combat parce que j’aime le Togo et je ne peux pas supporter de voir les Togolais souffrir à cause de la mauvaise gouvernance, particulièrement depuis ces 20 dernières années. Et aussi, parce que ce pouvoir sert uniquement les intérêts d’une minorité qui accapare impunément les richesses du pays. Faure Gnassingbé le sait, mais cela ne semble pas le déranger.
Pendant ce temps, à cause de la mauvaise gouvernance, la jeunesse est plongée dans un chômage qu’on cache avec le chiffre fabriqué de 3,9% au niveau national. La réalité, c’est que dans la région des Savanes par exemple, 33% des jeunes adultes de moins de 35 n’ont pas d’emploi, selon les statistiques nationales. Dans les préfectures du Kpendjal c’est 76% de grande pauvreté. Pendant ce temps, la corruption généralisée empêche que l’argent public soit mis au service des besoins sociaux de base.
Combattre donc ce changement unilatéral de la Constitution, c’est se battre pour que les jeunes aient des emplois, pour que l’éducation se fasse dans de bonnes conditions, pour que les femmes ne subissent pas une cherté de vie qui les afflige et n’accouchent pas par terre, et aussi pour que les infrastructures sanitaires répondent aux besoins.
Q : Vous semblez un peu seul sur ce combat
R : Détrompez-vous. Le front « Touche Pas A Ma Constitution », c’est une vingtaine d’organisations. D’autres organisations, comme Togo Debout, portent aussi le même combat. Et c’est surtout l’immense majorité des Togolais qui rejette cette gouvernance et ce changement de Constitution, ce coup d’Etat constitutionnel. Nous ne sommes donc pas du tout seul. C’est un combat du peuple, une lutte citoyenne.
Q : Si d’autres organisations portent le même combat que vous, pourquoi vous n’êtes donc pas ensemble ?
R : Il faut tirer les enseignements des expériences passées. Par exemple, la C14 s’était constituée dans la précipitation, sans préparation, sous la pression des événements d’août 2017. Au final, les gigantesques mobilisations du peuple, et tous les sacrifices consentis par le peuple n’ont pas donné les résultats attendus. On a manqué de cohérence, d’organisation et de leadership efficace.
C’est pourquoi, cette fois-ci, nous prenons le temps de la concertation pour nous mettre d’accord sur le but de la lutte et sur la manière de la conduire avec efficacité. C’est le résultat positif que la population attend de nous.
Q : Dans votre regroupement, il y a des organisations qui participent aux élections. Ne pensez-vous pas que les élections locales qui arrivent dans peu de temps seront encore une source de division, surtout qu’elles se feront sous la Ve République ?
R : Le front « Touche Pas A Ma Constitution » a décidé lors de sa création de ne pas tenir compte du critère de participation ou non aux législatives pour être membre. Ceci étant dit, pour ma part, je pense que, si ceux qui contestent aujourd’hui la Ve République participent demain à une élection avec la nouvelle Constitution, ils seront dans une incohérence caractérisée et le front en tirera les conséquences. Mais vous savez, d’ici le temps supposé des élections locales, beaucoup de choses peuvent se passer.
Q : Beaucoup de choses peuvent se passer dites-vous, mais les manifestations sont interdites. Quelles voies allez-vous donc emprunter ?
R : Les peuples respectent les lois quand ils sont satisfaits de leurs dirigeants et de leur gouvernance. Mais, quand le peuple est durablement opprimé et qu’il atteint la limite du supportable, il devient incontrôlable. En ce moment-là, les interdictions ne sont plus une entrave. C’est ce qu’il s’est passé en Tunisie en 2011 et au Burkina Faso en 2014.
Le régime togolais est à bout de souffle et il est en train de préparer les conditions de sa propre chute depuis le changement de Constitution. Soyons courageux, organisons-nous et nous mettrons un terme définitif à cette dictature dynastique de 60 ans. C’est l’issue inéluctable.
Q : Comment percevez-vous l’avenir proche du Togo ?
Je suis profondément optimiste pour le Togo, une fois que la dictature sera terrassée.
Nous sommes un peuple jeune, avec de grandes qualités humaines, des compétences avérées et des richesses naturelles suffisantes pour l’épanouissement de chacun.
Mon ambition pour le Togo est qu’on mette en place une gouvernance juste qui donne à chacun, dans l’équité, l’opportunité de s’épanouir par le fruit de son travail, dans le respect de ses droits humains et de ses libertés fondamentales.
Je rêve de voir la jeunesse togolaise mettre en action son génie créateur pour que le développement technologique du pays constitue un moteur de croissance de l’économie et de mieux-être de la population.
Interview réalisée par Médard AMETEPE
Nathaniel Olympio
Porte-parole du front
« Touche Pas A Ma Constitution »