Le 6 novembre 2004, un chasseur déployé par l’aviation du président ivoirien Laurent Gbagbo, qui contrôlait le sud du pays, pour attaquer les rebelles installés dans la moitié nord avait bombardé par surprise à Bouaké (centre) un camp de la force de paix française, chargée avec l’ONU de faire tampon entre les deux parties.
Neuf soldats français étaient morts en plus d’un civil américain. L’armée française avait immédiatement riposté en détruisant la quasi-totalité de l’aviation ivoirienne, déclenchant des manifestations massives à Abidjan.
“Les évènements de Bouaké sont des évènements tristes. Que la France organise des commémorations, je peux le comprendre, mais je ne sais pas pourquoi la Côte d’Ivoire devrait organiser la commémoration de décès de personnes françaises”, a déclaré le porte-parole du gouvernement ivoirien, Amadou Coulibaly.
Le soir du 6 novembre 2004, Charles Blé Goudé, le chef des “Jeunes patriotes”, loyaux à Laurent Gbagbo avait appelé les Ivoiriens à se rendre à l’aéroport d’Abidjan pour s’opposer à l’armée française, en dénonçant le “post colonialisme” de la France.
Plusieurs jours de manifestations antifrançaises avaient suivi : 57 civils ivoiriens avaient été tués et 2.226 blessés par l’armée française selon les autorités de l’époque, une vingtaine selon Paris. Quelque 8.000 Français avaient été évacués.
Un collectif de victimes ivoiriennes, le Collectif des patriotes victimes de la Licorne (Copavil) estime lui le bilan à au moins 90 morts et plus de 2.500 blessés.
“Ceux qui ont mis ces enfants dans la rue pourront certainement commémorer ces évènements mais ce n’était pas la responsabilité de l’Etat. Le gouvernement n’a pas envoyé des gens manifester contre les forces françaises”, a développé M. Coulibaly.
Une cérémonie discrète s’est tenue en octobre devant le site bombardé en présence de plusieurs rescapés et familles de victimes françaises.
En France, les victimes et familles de victimes du bombardement et des responsables militaires devaient se réunir mercredi au Régiment d’infanterie-chars de marine (RICM) de Poitiers (ouest), d’où venaient cinq des neuf soldats tués dans le bombardement.
A Bouaké, plusieurs témoins de l’époque se souviennent, eux, du choc et de la “panique” provoqués par ce bombardement.
“Il n’y a pas de commémoration de cette agression disproportionnée mais chaque fois que je passe devant le bâtiment éventré, j’ai un pincement au cœur”, regrette le député de la ville, Malick Fadiga. Il espère que des cérémonies auront lieu à l’avenir pour que les jeunes générations sachent “d’où on vient” et “prennent la paix comme le bien le plus précieux que nous avons en commun”.
Les proches des victimes de la riposte française déplorent également l’absence d’hommage.
“Il se devait que la nation, les institutions de la république organisent quelque chose en mémoire des personnes tombées”, s’indigne Ephrem Zedo, le secrétaire général du Copavil qui compte “intenter un procès contre la France” en 2025.
En novembre 2004, la situation a fini par s’apaiser après dix jours de chaos à Abidjan. La Côte d’Ivoire, qui était séparée en deux entre sud loyaliste et nord rebelle depuis une tentative de coup d’Etat ratée contre Laurent Gbagbo en 2002, est restée divisée jusqu’en 2011.
Cette année-là, Laurent Gbagbo a été chassé du pouvoir, avec l’aide de l’armée française, après avoir contesté la victoire à la présidentielle de son rival Alassane Ouattara. Cette crise post-électorale a fait plus de 3.000 morts.
© AVEC AFP