Coup d’état constitutionnel au Togo : La mesquinerie de la CEDEAO mise au grand jour

Ce dimanche 7 juillet 2024, les chefs d’État et de gouvernement se réuniront pour un sommet extraordinaire au siège de l’institution à Abuja. Dans un communiqué, Kozah Espoir exhorte l’organisation sous-régionale à assumer ses responsabilités concernant le coup d’État constitutionnel récemment perpétré au Togo par le régime en place. Bonne lecture

COMMUNIQUE N°002/07-2024/KE/PR

Les Chefs d’Etats et de gouvernement tiendront ce dimanche 07 juillet 2024 un sommet extraordinaire au siège de l’institution à ABUDJA. Cette rencontre attendue par nombreux des togolais est une occasion de tester une fois pour toute la bonne foi de l’institution sous régionale sur la situation politique au Togo. La CEDEAO coutumière des dénonciations contre les coups d’Etat militaires a sous son nez le dossier brûlant du Togo ; un énième coup d’Etat constitutionnel. En effet, les députés de la 6è législature togolaise en fin de mandat et perdant toute légitimité se sont réunis le 24 mars 2024 à minuit, pour porter un coup dur à la Nation togolaise en changeant sous ordre du pouvoir exécutif une nouvelle constitution qui institue la 5è République et un régime parlementaire.

Ce changement brusque de la constitution à la veille des élections législatives et régionales, sans une consultation populaire est une violation de la constitution du 14 octobre 1992 notamment l’alinéa 2 de l’article 59 qui précise clairement que : « Cette disposition ne peut être modifiée que par voie référendaire ». La nouvelle constitution concentre tous les pouvoirs dans les mains de l’actuel Président Faure GNASSSINGBE qui sera désigné de droit président du conseil des ministres en tant que président du parti majoritaire.

Non seulement il ne sera pas élu, mais aussi son mandat dans la constitution actuelle est illimité, lui qui totalise déjà presque 20 ans au pouvoir avec toutes les contestations. En rappel à la lutte du peuple togolais et les crises politiques depuis son accession au pouvoir et les évènements de 19 Août 2017 qui ont contraint le leader du PNP Tikpi Atchadam et des centaines de togolais en exil sans compter les dizaines de morts et de prisonniers politiques qui croupissent jusqu’à ce jour dans les geôles du pouvoir dont le seul tort est d’avoir exigé la limitation de mandat présidentiel et le retour à la constitution de 1992 adoptée par référendum à 97% des togolais. Dans cette nouvelle constitution, le président Faure GNASSINGBE aura le pouvoir de dissoudre l’Assemblée nationale si son programme n’obtient pas l’approbation de celle-ci.

Cette disposition sans contrepoids expose les membres de l’Assemblée nationale qui sont réduits au silence et à faire la volonté du président du conseil. Cette nouvelle constitution a relégué les droits fondamentaux des citoyens au second plan en adoptant un texte supposé être « une déclaration solennelle des droits et libertés fondamentaux » en annexe.

L’on se demande ce qui a animé le pouvoir à retirer ces droits fondamentaux des citoyens dans les dispositions constitutionnelles. Aussi le principe sacro-saint de la démocratie qui confère la souveraineté au peuple qui l’exerce par ses représentants ou par voie référendaire est mis sous éteignoir. Alors que l’article 4 de la constitution de 1992 précisait qu’un referendum d’initiative populaire peut être organisé sur la demande d’au moins cinq cent mille (500.000) électeurs, cette disposition est sautée dans l’article 93 de la nouvelle constitution renvoyant les détails et le mécanisme à une loi organique. Pourtant plusieurs lois organiques sont en souffrance empêchant leur mise en application. Une preuve que le droit fondamental du peuple est confisqué. Se faisant, le pouvoir togolais viole l’article 1er du protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance additionnel au protocole relatif au mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité : « Tout changement anticonstitutionnel est interdit de même que tout mode non démocratique d’accession ou de maintien au pouvoir ». En se référant au point b de cette même disposition « Toute accession au pouvoir doit se faire à travers des élections libres, honnêtes et transparentes », nous pouvons tirer la conclusion selon laquelle, le régime parlementaire adopté par l’Etat togolais est en contradiction avec les textes de la CEDEAO.

L’on peut donc affirmer sans se tromper que c’est pour contourner la limitation des mandats présidentiels dans l’espace CEDEAO à laquelle l’Etat togolais s’est toujours opposé, que ce dernier a voté le régime parlementaire pour ramer à contrecourant des textes de ladite Institution. La CEDEAO doit tirer toutes les conséquences de ce coup de force et laver son honneur dans un contexte aussi tumultueux où les peuples de la sous-région voient en elle une monstruosité tel un regroupement des chefs d’Etat qui œuvrent pour le maintien des régimes dictatoriaux et du néocolonialisme. Si la CEDEAO peut s’opposer aux coups d’Etat militaires, elle a l’obligation de s’opposer aux coups d’Etat constitutionnels et chercher à rétablir l’ordre constitutionnel au Togo par tous ses moyens et mécanismes.

La prévention des conflits commence par la protection des peuples contre l’injustice. Une grande partie de l’histoire sombre du Togo vient de cette institution sous régionale. Elle doit beaucoup au peuple togolais, elle qui a cautionné l’accession au pouvoir du président Faure Gnassingbé en 2005 dans un bain de sang avec plus de 500 morts selon le rapport des Nations-Unies.

C’est elle également qui est venue au secours de ce même président en 2017 avec un semblant de dialogue en désarmant l’opposition avec la suspension des manifestations de rue. Si aujourd’hui la sous-région Ouest-africaines est divisée avec le retrait de trois pays et la création de l’Alliance des Etats du Sahel (AES), si les peuples appellent à la dislocation de la CEDEAO, si les chefs d’Etat de la sous-région se livrent des combats médiatiques avec un langage cru sans diplomatie, c’est bien la faute et la mesquinerie de la CEDEAO qui livre ses peuples aux dérives de toute sorte. Elle a donc l’occasion de se racheter et de redorer son image en prenant des décisions courageuses en faveur des peuples.

Le peuple togolais qui a décidé depuis quelques jours de prendre son destin en main à travers des manifestations organisées par la société civile, les universitaires et partis politiques n’acceptera plus jamais l’immixtion de la CEDEAO si elle n’est pas capable d’arrêter les dérives autoritaires de ses gouvernants et de dire non au « putsh » constitutionnel.

Fait à Kara, le 06 Juillet 2024

Le Président AGOUZOU A. Ricardo

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