Née mi-juin sur les réseaux sociaux, cette mobilisation contre le projet de budget du gouvernement instaurant de nouvelles taxes s’est rapidement transformée en un mouvement national de défiance contre le gouvernement.
Le 26 juin 2024, le chef de l’Etat a annoncé retirer le texte et s’est dit prêt à dialoguer avec la jeunesse, à l’origine du mouvement, au lendemain d’une journée de violences marquée par la prise d’assaut du Parlement par les manifestants. La police avait alors tiré à balles réelles sur la foule.
Selon l’agence officielle de protection des droits humains (KNHCR), 39 personnes sont mortes depuis la première manifestation le 18 juin. Human Rights Watch a fait état d’un bilan de 31 morts et un groupement d’ONG locales, dont la branche kényane d’Amnesty, de 24 morts.
Le président a, lui, évoqué dans une interview dimanche 19 morts, estimant n’avoir « pas de sang sur les mains » et que la police « a fait de son mieux » pour maintenir l’ordre.
Les forces de l’ordre étaient à nouveau déployées mardi en nombre après de nouveaux appels à la mobilisation dans le pays.
Des dizaines de manifestants ont commencé à se réunir dans la matinée à Mombasa (est) et Kisumu (ouest), deuxième et troisième villes du pays et bastions de l’opposition, selon des images diffusées par la chaîne Citizen TV.
La police quadrillait également le centre d’affaires de la capitale Nairobi, épicentre des précédentes manifestations, où de nombreux commerçants avaient gardé leurs magasins fermés, ont constaté des journalistes de l’AFP.
« Ils ont peur », a expliqué à l’AFP un élu local, John Kwenya : « J’ai dit aux gens d’ouvrir leurs commerces, mais la plupart ont peur, ils ont même retiré leurs marchandises des magasins. »
« Zakayo »
Depuis la journée meurtrière du 25 juin, les appels à la mobilisation ont été diversement suivis par la jeunesse.
Jeudi, la « Génération Z » (jeunes nés après 1997) était largement absente d’une journée qui s’est résumée à des échauffourées entre de petits groupes et la police, certains tentant de s’en prendre à des commerces.
Dimanche, un rassemblement en hommage aux victimes a rassemblé quelques centaines de personnes, qui ont ensuite défilé pacifiquement en scandant « Ruto must go » (« Ruto doit partir ») et « Tuesday Holiday » (« mardi jour férié »).
Les manifestants ont surnommé le président « Zakayo » (Zachée en swahili), figure biblique du collecteur d’impôts.
Elu en août 2022 en promettant de défendre les plus modestes, le chef de l’Etat a depuis pris des mesures d’austérité, créé et augmenté plusieurs impôts et taxes qui ont durement frappé le pouvoir d’achat des Kényans.
Ces mesures fiscales douloureuses sont nécessaires, selon lui, pour redonner une marge de manœuvre au pays, lourdement endetté. Les augmentations de taxes prévues devaient permettre de financer l’ambitieux budget 2024-25 tablant sur 4.000 milliards de shillings (29 milliards d’euros) de dépenses, un record.
« Nous aurions dû mieux communiquer », a-t-il estimé dimanche. Retirer le texte aura « de très lourdes conséquences », a-t-il averti : « Cela signifie que nous sommes revenus presque deux ans en arrière et que cette année, nous allons emprunter 1.000 milliards de shillings »(7 milliards d’euros).
La dette publique du pays s’élève à environ 10.000 milliards de shillings (71 milliards d’euros), soit environ 70% du PIB.
© AFP
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