Au Togo, l’opposition vent debout après le changement constitutionnel

Moins de 48 heures après l’adoption d’une nouvelle Constitution au Togo, plusieurs partis d’opposition ont dénoncé mercredi 27 mars une « forfaiture ».

La tension est montée d’un cran mercredi à Lomé. Dans la matinée, une première conférence de presse de l’opposition avait été interrompue par les gendarmes. Une seconde a finalement pu se tenir dans l’après-midi. Lundi soir, l’Assemblée nationale, dominée par l’Union pour la République (UNIR), le parti au pouvoir, a validé le nouveau texte fondamental instaurant un régime parlementaire au Togo, et non plus présidentiel.

L’opposition craint que ce nouveau changement constitutionnel ne laisse la voie libre au maintien du président Faure Essozimna Gnassingbé au pouvoir.

« Trop, c’est trop. Nous sommes déterminés à engager la lutte. Nous allons leur livrer la bataille », a déclaré mercredi après-midi Jean-Pierre Fabre, président de l’Alliance nationale pour le changement (ANC), lors d’une conférence de presse de plusieurs partis d’opposition et de groupes de la société civile au siège de sa formation à Lomé.

« C’est un combat qui va durer des mois »

« Nous demandons à la communauté internationale et à la Cedeao [Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest] de prendre leurs responsabilités. C’est un combat qui va durer des mois. Il faudrait que la population se mobilise pour mettre fin à cette forfaiture », a martelé David Dosseh, porte-parole du Front citoyen Togo debout (FCTD, regroupement d’organisations de la société civile).

D’autres partis avaient convoqué une conférence de presse mercredi matin au siège de l’Alliance des démocrates pour le développement intégral (ADDI, opposition), mais elle avait été interrompue et dispersée par une trentaine de gendarmes équipés de matraques sous prétexte que ses organisateurs n’avaient pas les autorisations nécessaires.

« C’est inacceptable, le régime togolais se permet absolument tout, après avoir changé la Constitution en catimini », a déclaré mercredi après-midi Nathaniel Olympio, président du Parti des Togolais (PT) et l’un des organisateurs de la conférence de presse du matin. « En privant les Togolais [du droit] de choisir leur président de la République par ce coup d’État constitutionnel, le régime a franchi une ligne rouge […]. J’appelle les Togolais à se mettre debout pour faire barrage à ce projet funeste ».

La nouvelle Constitution donne désormais le pouvoir au Parlement togolais d’élire le président de la République. Le président sera choisi « sans débat » par le Parlement réuni en congrès « pour un mandat unique de six ans », d’après le nouveau texte lu à l’Assemblée nationale et validé avec 89 voix pour, une contre et une abstention.

Le texte, qui fait entrer le Togo dans sa Ve République, crée également la fonction de « président du conseil des ministres », sorte de Premier ministre « désigné » par les députés qui aura en charge les fonctions régaliennes du pays. Il sera « le chef du parti ou le chef de file de la coalition de partis majoritaire à l’issue des élections législatives ».

Quelles chances pour l’opposition aux législatives ?

Le dernier grand changement constitutionnel remontait à 1992. Celui de lundi intervient à moins d’un mois des prochaines législatives, prévues le 20 avril en même que les élections régionales. L’opposition a annoncé y participer, elle qui avait boycotté le dernier scrutin législatif de 2018.

Mardi, la Conférence des évêques du Togo a elle aussi réagi, s’interrogeant dans un communiqué sur « l’opportunité ou non » de mener cette réforme et du « moment choisi ». Elle a appelé le président Faure Gnassingbé à « surseoir la promulgation de la nouvelle Constitution et à engager un dialogue politique inclusif, après les résultats des prochaines élections législatives et régionales ».

Pour l’historien togolais Michel Goeh-Akue, la nouvelle Constitution est « faite pour que Faure Gnassingbé ait le pouvoir à vie », comme « dans un système monarchique ». « Les dés sont pipés à l’avance », a-t-il jugé mardi, soulignant que l’opposition « n’a pas beaucoup de chances pour les élections législatives et régionales du mois prochain tant le système est verrouillé ».

Les défenseurs de la nouvelle Constitution estiment eux que le pays y gagnera en stabilité, dans une Afrique de l’Ouest secouée par des coups d’État au Mali, en Guinée, au Burkina Faso et au Niger, ou le jihadisme également présent dans le nord du Togo.

(Avec AFP)

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